Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Projet d’initiative sur la protection contre les licenciements

mercredi 15 octobre 2014

Art. 110a Cst Protection contre les licenciements

1. Un travailleur ne peut pas être licencié sans qu’il existe un motif réel et sérieux lié à son aptitude ou à sa conduite ou un motif fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise. L’exercice d’une activité syndicale ou du droit de grève ne peuvent pas constituer un motif justifié de licenciement.

2. Lorsque l’employeur invoque un motif lié à l’aptitude du travailleur ou à sa conduite, un licenciement n’est pas possible avant que le travailleur ait eu la possibilité de se déterminer sur les allégations formulées.

3. Lorsque l’employeur invoque les nécessités de fonctionnement de l’entreprise pour justifier la suppression d’un ou plusieurs postes de travail, la représentation des travailleurs ou, à défaut, les travailleurs, doivent être préalablement consultés. Un licenciement n’est possible que s’il s’avère impossible de confier aux travailleurs concernés un autre poste correspondant à leurs compétences.

4. Lorsque les suppressions de postes envisagées par un employeur (variante : par un employeur ou un groupe d’entreprises) au cours d’une période de trois mois touchent 30 personnes au moins, des négociations doivent être organisées avec la représentation des travailleurs et avec les syndicats représentatifs mandatés par les travailleurs. Les principes et règles suivants sont applicables :

a) La négociation vise en priorité à assurer le maintien des postes de travail.

b) La représentation des travailleurs et les syndicats doivent être informés de manière complète sur la situation économique de l’entreprise (variante : de l’entreprise ou du groupe) et sur ses perspectives.

c) Les syndicats peuvent désigner parmi les travailleurs de l’entreprise (variante : de l’entreprise ou du groupe) des délégués syndicaux pour les négociations et pour la mise en œuvre des mesures négociées.

d) Les membres de la représentation des travailleurs, les délégués syndicaux et les syndicats ont accès aux lieux de travail.

e) Les propositions alternatives aux suppressions de postes doivent être étudiées par l’employeur, le cas échéant, en recourant à des experts désignés d’un commun accord entre les parties. Si ces propositions ne sont pas retenues, l’employeur motive sa décision de manière complète.

f) Les licenciements prononcés durant la procédure de négociation sont nuls. La loi fixe des sanctions appropriées en cas de violation par l’employeur de ses obligations d’information, de négociation et d’examen des propositions alternatives.

g) Les principes et règles précités s’appliquent également aux suppressions de postes touchant 30 personnes au moins qui sont étalées sur une période dépassant trois mois mais qui sont dictées par les mêmes motifs.

5. En cas de licenciement injustifié au sens des alinéas 1 à 3, le travailleur est réintégré dans son emploi ou, si cela s’avère impossible, une indemnisation complète lui est due. En cas de licenciement justifié fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, le travailleur a droit à une indemnisation équitable compte tenu de son âge, de son ancienneté, de sa situation personnelle et de la situation de l’entreprise (variante : de l’entreprise ou du groupe). En cas de licenciement collectif au sens de l’alinéa 4, l’indemnisation est définie dans un plan social négocié avec la représentation des travailleurs et les syndicats ; à défaut d’accord, un tribunal arbitral détermine le plan social.

6. Les représentants des travailleurs dans l’entreprise et dans les institutions liées à l’entreprise ainsi que les délégués syndicaux ne peuvent pas être licenciés pendant la durée de leur mandat et durant le semestre qui suit ; le licenciement donné à ces travailleurs pendant ces périodes est nul. La loi et les conventions collectives peuvent étendre cette protection à d’autres catégories de travailleurs.

7. La procédure judiciaire en matière de licenciement est simple et gratuite. La représentation des travailleurs et les syndicats ont la qualité pour agir. Dans la procédure, l’employeur a la charge de prouver le caractère justifié du licenciement et le respect des obligations qui lui incombent.

Disposition transitoire ad art. 110a (Protection contre les licenciements)
D’ici l’entrée en vigueur de la législation, le Conseil fédéral édicte par voie d’ordonnance les dispositions d’exécution nécessaires sur la protection contre les licenciements dans un délai d’une année après l’acceptation de l’art. 110a par le peuple et les cantons.

Bref exposé des motifs

A. Recevabilité de l’initiative

1. Selon l’article 139 Cst, 100 000 citoyens et citoyennes ayant le droit de vote peuvent, dans un délai de 18 mois à compter de la publication officielle de leur initiative, demander la révision partielle de la Constitution (al. 1). Les initiatives populaires tendant à la révision partielle de la Constitution peuvent revêtir la forme d’une proposition conçue en termes généraux ou celle d’un projet rédigé (al. 2). Lorsqu’une initiative populaire ne respecte pas le principe de l’unité de la forme, celui de l’unité de la matière ou les règles impératives du droit international, l’Assemblée fédérale la déclare totalement ou partiellement nulle (al. 3). Si l’Assemblée fédérale approuve une initiative populaire conçue en termes généraux, elle élabore la révision partielle dans le sens de l’initiative et la soumet au vote du peuple et des cantons. Si elle rejette l’initiative, elle la soumet au vote du peuple, qui décide s’il faut lui donner suite. En cas d’accepta¬tion par le peuple, l’Assemblée fédérale élabore le projet demandé par l’initiative (al. 4). Toute initiative revêtant la forme d’un projet rédigé est soumise au vote du peuple et des cantons. L’Assemblée fédérale en recommande l’acceptation ou le rejet. Elle peut lui opposer un contre-projet (al. 5).

2. En principe, la Constitution ne devrait contenir que les règles essentielles et non pas règles de détail qui auraient leur place dans une loi. Le contenu de l’initiative envisagée sur la protection contre les licenciements pourrait être adoptée par le législateur fédéral, sans modification de la Constitution, sur la base de l’actuel article 110 Cst qui lui donne la compétence de légiférer sur la protection des travailleurs et de l’actuel article 122 Cst qui lui donne la compétence de légiférer en matière de droit civil et de procédure civile.

La Constitution ne permet toutefois pas d’invalider une initiative au motif que son contenu relèverait de la loi plutôt que de la Constitution. En effet, selon l’article 139 alinéa 3 Cst, l’Assemblée fédérale peut uniquement déclarer une initiative totalement ou partiellement nulle si celle-ci ne respecte pas le principe de l’unité de la forme, celui de l’unité de la matière ou les règles impératives du droit international.

Pour se prononcer sur la recevabilité de l’initiative, il convient donc d’examiner ces questions prévues à l’article 139 alinéa 3 Cst :

3. Le principe de l’unité de la forme exige qu’une initiative ne soit pas composite, c’est-à-dire faite pour partie de « termes généraux » et pour partie de « textes rédigés » à cause des procédures différentes prévues aux alinéas 4 et 5 de l’article 139 pour ces deux type d’initiative.

En l’espèce, l’initiative envisagée constitue un projet rédigé et non pas une proposition conçue en termes généraux. Elle respecte donc l’unité de la forme.

4. Le principe de l’unité de la matière cherche à protéger la formation et l’expression de la volonté politique des citoyens. Le principe exige qu’une initiative populaire ne soit pas constituée d’éléments disparates dont la réunion est artificielle.

La jurisprudence du Tribunal fédéral (qui concerne les initiatives cantonales) exige ainsi qu’une initiative ne porte que sur un seul objet, ou, tout le moins, sur des objets étroitement interdépendants, réunis entre eux par un lien réel et objectif. Elle précise toutefois aussi que ce principe de l’unité de la matière est relatif et que l’essentiel est que les dispositions sur lesquelles le corps électoral est appelé à votre aient entre elles un rapport intrinsèque étroit et poursuivent le même but (ATF 123 I 63, consid. 4a). La jurisprudence précise aussi qu’une initiative peut mettre en œuvre des moyens variés, pour autant que ceux-ci puissent être rattachés sans artifice à l’idée centrale défendue par les initiants (ATF 128 I 190, consid. 3.2 ; ATF 125 I 227, consid. 3c)

5. Le principe de l’unité de la matière a ainsi été considéré comme respecté dans le cas de l’initiative « Genève République de paix » qui concernait la politique de paix et envisageait divers moyens comme la réduction des dépenses militaires, la prévention des conflits et le développement de moyens non militaires pour assurer la sécurité de la population, car le fil conducteur se trouvait tout au long de l’initiative (ATF 125 I 277, consid. 3) :

« c) L’initiative 109 regroupe un ensemble de propositions qui visent à permettre au canton de développer et d’appliquer « une politique de sécurité fondée sur la mise en œuvre de moyens pacifiques, aptes à résoudre tout conflit au niveau local et interna¬tional » (Principe, al. 1). Au titre des moyens, le canton est invité à soutenir « toute démarche visant le désarmement global, la coopération et la solidarité entre les peuples et le respect des droits de l’homme et de la femme » (al. 2) et doit œuvrer pour la prévention de conflits et le développement d’une culture de la paix par plusieurs moyens spécifiques (al. 3). L’initiative invite en outre le canton à mettre en œuvre et développer des « moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population » (al. 4). Explicite dans son titre déjà, le fil conducteur de l’initiative 109 apparaît clairement de l’ensemble du texte de celle-ci : le développement d’une politique de paix, touchant à la fois une politique de sécurité et la mise en œuvre de moyens non militaires pour garantir la sécurité de la population. Malgré le caractère assez hétérogène de certaines propositions, celles-ci peuvent être rattachées, sans artifice, à l’idée centrale, contenue dans l’initiative, du développement d’une politique de paix par le canton de Genève. On ne se trouve donc nullement dans l’un des principaux cas où, selon la jurisprudence actuelle, l’unité de matière fait défaut, soit parce que l’initiative présente en réalité le programme politique général d’un parti (ATF 123 I 63 consid. 5 p. 73/74), soit parce qu’il n’y a pas de rapport suffisamment étroit entre les différentes propositions que l’initiative contient, soit encore parce que les différentes clauses de l’initia¬tive sont réunies de manière artificielle ou subjective (ATF 123 I 63 consid. 4d p. 73 et consid. 5 p. 73/74 ainsi que la doctrine citée). Le grief de défaut d’unité de la matière doit donc être rejeté. ».

De même, le principe de l’unité de la matière a été considéré comme respecté s’agissant de l’initiative « Pour un stade raisonnable » qui contenaient diverses propositions qui tendaient toutes à la modification du projet de construction sur le site de la Praille (ATF 128 I 190, consid. 3.2).

Le principe de l’unité de la matière a encore été considéré comme respecté s’agissant de quatre dispositions constitutionnelles qui tendaient au même but, soit réaménager les rapports entre les églises et l’Etat, les trois domaines visés (autonomie des églises, financement et reconnaissance étatique) étant en étroite connexité (ATF 129 I 366).

6. Le principe de l’unité de la matière a, en revanche, été considéré comme non respecté dans le cas d’un scrutin liant une loi sur l’imposition des entreprises et un contre-projet à une initiative sur l’accueil des enfants (ATF 137 I 200).

Il a également été considéré comme non respecté dans le cas de l’initiative « Pour une caisse-maladie publique à but social et la défense du service public » qui prévoyait à la fois la création d’une telle caisse et l’interdiction de privatisation des services publics (ATF 129 I 381, consid. 2.4) :

« Force est par conséquent d’admettre qu’il n’existe pas un lien objectif suffisant entre, d’une part, les dispositions relatives à la création d’une caisse cantonale d’assurance-maladie, comportant des règles détaillées de gestion de la caisse et, d’autre part, la soumission au référendum facultatif de toute décision relative à la privatisation ou au transfert de l’ensemble des activités de l’Etat. Il n’y a pas en l’occurrence une idée centrale que viendraient concrétiser diverses propositions, mais bien deux projets de nature totalement distincte. ».

7. Il a encore été considéré comme non respecté dans le cas de l’initiative « Pour la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitants des quartiers » compte tenu de la diversité des buts poursuivis (élargissement des droits politiques et renforcement de la protection des locataires) et des dispositions de mise en œuvre (ATF 130 I 185) :

« L’initiative apparaît multiple dans ses buts déjà, puisqu’elle vise la sauvegarde et le renforcement des droits des locataires et des habitants de quartiers. Elle s’attaque ainsi à la problématique, très réelle à Genève, de la pénurie de logements et du coût des loyers, les dispositions du nouveau titre étant ainsi censées compléter l’art. 10 A de la constitution genevoise sur le droit au logement. Si l’encouragement à la construction de logements, la lutte contre la spéculation immobilière et la protection des locataires (art. 160 E et F) apparaissent comme des objectifs ayant un rapport de connexité, il n’en va pas de même de la protection de l’habitat et du cadre de vie des habitants de quartiers prévue à l’art. 160 G de l’initiative. Cette dernière disposition tend à assurer une certaine qualité de vie aux habitants de quartiers en garantissant une répartition harmonieuse et équilibrée des activités, ainsi que des espaces verts. Cet objectif est d’ordre beaucoup plus général ; il concerne non seulement les locataires, mais tous les habitants des agglomérations du canton de Genève - y compris les propriétaires ou les locataires de logements pour lesquels il n’y a pas pénurie - et tend ainsi à s’appliquer à l’ensemble de la population genevoise, en visant le maintien d’un niveau de vie général. De ce point de vue déjà, l’initiative poursuit deux buts distincts, dont la réunion ne s’impose pas d’un point de vue objectif. »
Il a encore été considéré comme non respecté dans le cas de l’initiative syndicale genevoise « Pour l’emploi contre l’exclusion », qui prévoyait dans ce but un éventail très large de mesures (ATF 123 I 63) :

« Or il est manifeste, en l’occurrence, que la règle de l’unité de la matière n’est pas respectée - même en tenant compte du fait que l’initiative 105 est non formulée et qu’elle tend, en tout cas principalement, à l’adoption de prescriptions législatives, hypothèse excluant une interprétation restrictive de cette règle (cf. supra, consid. 4b). Il n’y a pas un rapport étroit entre les différentes propositions qu’elle contient : pour ne prendre que quelques exemples, il n’y pas de lien direct entre la politique visant à la création d’emplois dans une catégorie spécifique d’entreprises genevoises (ch. 1.1 et 1.3) et l’encouragement et la démocratisation de la formation des adultes (ch. 4), ni entre la modification du régime fiscal des entreprises (ch. 3) et le développement des occupations temporaires (ch. 6), ni encore entre l’intervention de l’Etat dans la gestion de la Banque cantonale (ch. 1.3.) et l’assurance obligatoire des chômeurs contre la perte de gain (ch. 10) ».

S’agissant des initiatives fédérales, l’Assemblée fédérale a invalidé pour défaut d’unité de la matière une initiative qui demandait une réduction des dépenses militaires et l’affectation à des fins sociales d’une partie des sommes épargnées (FF 1995 III 563, décision critiquée par Jean-François AUBERT, in Petit commentaire de la Constitution fédérale de la Confédération suisse, N. 14 ad art. 139, p. 1094)

8. En matière de protection contre les licenciements, la question du principe de l’unité de la matière avait admise s’agissant de l’initiative populaire de la Confédération des syndicats chrétiens de 1980 (FF 1984 II 580) :

« Une initiative ne doit avoir pour objet qu’une seule matière (art. 121, 3e al., cst). L’unité de la matière est respectée lorsqu’il existe un rapport intrinsèque entre les différentes parties de l’initiative (art. 75, 2e al., de la loi sur les droits politiques). L’initiative en question impose à la Confédération d’édicter des dispositions visant à protéger les travailleurs contre les licenciements (1er al.) et, en particulier, contre les licenciements économiques (2e al.). Les principes de la protection contre les licenciements en général sont fixés au 1er alinéa. Le travailleur doit pouvoir demander à l’employeur la motivation écrite du licenciement (let. a). Il doit pouvoir attaquer un licenciement injustifié ; un licenciement est injustifié lorsqu’il intervient à la suite de l’exercice de droits fondamentaux de la part du travailleur ou lorsqu’il ne correspond pas à des intérêts prépondérants et dignes de protection de l’employeur (let. b). En cas de licenciement injustifié qui a pour le travailleur des conséquences particulièrement rigoureuses, le rapport de travail doit être prolongé (let. c). Sont enfin déclarés illicites les licenciements prononcés : pendant la grossesse ou les dix semaines qui suivent l’accouchement ; pendant les six premiers mois d’une incapacité de travail résultant d’une maladie ou d’un accident ou – si l’incapacité dure plus de six mois – pendant que le travailleur a droit au salaire ou à des indemnités journalières versées par une assurance (let. d). La condition du rapport intrinsèque entre les diverses parties de l’initiative est donc remplie. ».

9. En l’espèce, l’initiative envisagée vise un seul objet et un seul but : améliorer la protection existante contre les licenciements. Si le texte envisagé est plus détaillé que celui de l’initiative de 1980 des syndicats chrétiens, le spectre des questions touchées n’est pas réellement plus large que dans cette initiative (cette initiative touchait en effet aussi tous les licenciements et contenait diverses propositions, dont la prolongation des contrats). En outre, il existe un rapport intrinsèque évident entre les diverses propositions contenues dans le texte de l’initiative qui forment un tout cohérent, de sorte que l’on ne peut pas considérer que leur réunion est artificielle. Aucune analogie ne peut d’ailleurs être faite entre ce projet et les cas précités dans lesquels une initiative a été invalidée pour défaut de l’unité de la matière.

Au vu de ces éléments, il faut admettre que le principe de l’unité de la matière est respecté.

10. Enfin l’initiative envisagée ne viole aucune règle impérative du droit international.

B. Examen du contenu de l’initiative

11. Le projet envisagé vise l’amélioration de la protection actuelle s’agissant de tous les licenciements. Son cœur est l’alinéa 4 qui concerne les licenciements collectifs.

12. Les alinéas 1 et 2 reprennent, dans les grandes lignes, les exigences de la convention N° 158 de l’OIT sur la protection contre les licenciements, qui n’a pas été ratifiée à ce jour par la Suisse. L’alinéa 1 précise expressément que l’exercice d’une activité syndicale ou du droit de grève ne peuvent pas constituer un motif justifié de licenciement. La sanction du non-respect des alinéas 1 et 2 est prévue à l’alinéa 5, 1ère phrase, à savoir la réintégration du travailleur et, subsidiairement (si la réintégration s’avère impossible), l’indemnisation complète du travailleur.

13. L’alinéa 3 prévoit une obligation de consultation des travailleurs (ou de leur représentation) lors de chaque suppression de poste (soit une obligation correspondant à celle prévue actuellement à l’article 335f CO en cas de licenciement collectif). Il prévoit également la subsidiarité du licenciement par rapport au reclassement à l’intérieur de l’entreprise (sur le modèle des réglementations existantes dans le droit de la fonction publique). L’alinéa 5, 1ère phrase sanctionne le non-respect de cet alinéa 3 par la réintégration du travailleur et, subsidiairement, par son indemnisation complète ; l’alinéa 5, 2ème phrase prévoit en outre, en cas de licenciement économique justifié effectué dans le respect de l’alinéa 3, le droit du travailleur à une indemnisation équitable.

Cet alinéa 3, combiné à l’alinéa 5, assure ainsi une protection minimale dans tous les cas de licenciements économiques ; il permet aussi d’éviter, dans une large mesure, que des procédés visant à détourner la protection contre les licenciements collectifs prévue à l’alinéa 4 (étalement des licenciements, organisation d’une « entreprise » en plusieurs sociétés indépendantes, …) privent certains travailleurs de toute protection. Il assure ainsi l’égalité de traitement dans l’indemnisation de tous les travailleurs licenciés pour des motifs économiques.

14. L’alinéa 4, cœur de l’initiative, concerne les licenciements collectifs importants. Il y a licenciement collectif au sens de cet alinéa lorsque qu’au cours d’une période de trois mois, il est envisagé des suppressions de postes touchant au moins 30 personnes. Afin d’éviter que la protection soit détournée par l’étalement volontaire des licenciements, il est prévu à la let. g que l’alinéa 4 s’applique également lorsque les suppressions de postes touchant au moins 30 personnes sont étalées sur une période dépassant trois mois, mais dictées par les mêmes motifs (sur le modèle de la règle prévue au nouvel article 335i al. 2 CO).

Par rapport à l’article 335d CO (qui prévoit uniquement une protection minimale, garantie dans son principe par l’alinéa 3 de l’initiative pour tous les licenciements économiques), le nombre de licenciements nécessaires pour qu’il y ait licenciement collectif est supérieur dans certains cas, puisqu’il faut toujours au moins 30 licenciements pour que le dispositif s’applique. En revanche, la période prise en considération est plus longue (3 mois au lieu de 30 jours) et l’unité de référence est l’employeur (ou l’entreprise, c’est-à-dire l’entité juridique dans son ensemble), alors que l’unité de référence à l’article 335d CO est l’établissement (c’est-à-dire l’unité de production). La définition du licenciement collectif au sens de l’alinéa 4 est en outre plus favorable que celle prévue dans le nouvel article 335i CO pour bénéficier d’un droit au plan social (30 travailleurs au moins dans un délai de 30 jours dans un établissement occupant au moins 250 personnes).

15. En raison des différentes formes juridiques d’organisation existantes (société avec des succursales ou groupe de société comprenant des filiales juridiquement indépendantes), il serait également possible, pour aboutir à un résultat plus adapté à la réalité économique et plus équitable, de prévoir le groupe de sociétés, plutôt que l’employeur, comme unité de référence pour le calcul des 30 licenciements nécessaires pour admettre un licenciement collectif. Cette variante est mentionnée dans le texte de l’alinéa 4 (avec des adaptations correspondantes dans la suite du texte).

16. Le texte de l’alinéa 4 contient les principales règles relatives aux licenciements collectifs :

17. La let. a prévoit que la négociation doit viser en priorité le maintien des postes de travail. Dans ce but, les travailleurs et les syndicats doivent être informés de manière complète sur la situation économique de l’entreprise et sur ses perspectives (let. b) ; les propositions alternatives aux suppressions de postes doivent être étudiées par l’employeur, le cas échéant en recourant à des experts désignés d’un commun accord entre les parties ; si ces propositions ne sont pas retenues, l’employeur doit motiver sa décision de manière complète (let. e).

18. Afin de garantir l’effectivité de la négociation, la let. c permet aux syndicats de désigner des délégués pour la négociation. Pour les représentants élus, les délégués syndicaux et les syndicats, un droit d’accès aux locaux est en outre prévu (let. d).

19. Afin d’éviter que les travailleurs concernés soient mis devant le fait accompli, il est prévu qu’aucun licenciement n’est possible pendant la procédure de négociation, ceux-ci étant frappés de nullité (let. f, 1ère phrase).

Des sanctions appropriées doivent en outre être prévues par la loi en cas de violation par l’employeur de ses obligations d’information, de négociation et d’examen des propositions alternatives (let. f. 2ème phrase). Pour être appropriées, ces sanctions devront permettre d’atteindre le but visé qui est d’assurer le maintien des postes de travail ; ces sanctions pourront relever non seulement du droit civil (sur le modèle de l’article 336a CO actuel, mais avec un plafond plus élevé que les deux mois de salaire prévus à l’article 336a al. 3 CO, qui n’ont aucun caractère dissuasif), mais également du droit administratif ou du droit pénal. Ces sanctions, visant à assurer le respect de la procédure de licenciement collectif, sont à distinguer des indemnisations dues aux travailleurs qui seront finalement licenciés dans le cadre du plan social (al. 5, 3ème phrase).

20. L’alinéa 5 définit les sanctions et indemnisations prévues dans les différents cas de licenciements prévus aux alinéas précédents, à savoir :

– Réintégration, subsidiairement indemnisation complète, en cas de non-respect des alinéas 1 à 3 ;

– Indemnisation équitable en cas de licenciement économique justifié : cette indemnisation (prévue sur une base individuelle et qui devrait être fixée par le juge en cas de litige) doit est fixée compte tenu de l’âge, de l’ancienneté et de la situation personnelle du travailleur ainsi que de la situation de l’entreprise (soit selon des critères similaires à ceux applicables à la fixation des indemnités dans un plan social en cas de licenciement collectif) ;

– Plan social en cas de licenciement collectif : ce plan social, qui est subsidiaire par rapport au maintien des postes de travail, doit être négocié avec la représentation des travailleurs et/ ou les syndicats ; en cas d’échec des négociations, le plan social doit être défini par un tribunal arbitral (sur le modèle prévu au nouvel article 335j CO) ; à défaut d’un tribunal arbitral privé désigné par les parties (dans une convention collective ou dans un accord ad hoc), ce seront les offices cantonaux de conciliation ou l’office fédéral de conciliation qui devront fonctionner comme tri¬bunal arbitral.

21. L’alinéa 6 a pour but d’assurer une complète protection contre les licenciements pour les représentants élus du personnel et les délégués syndicaux pendant toute la durée de leur mandat et durant le semestre qui suit. Il permet ainsi de garantir les exigences de la convention N° 98 de l’OIT ratifiée par la Suisse.

22. L’alinéa 7 contient des règles de procédure minimales afin d’assurer l’effectivité du dispositif.

23. Les règles contenues à l’article 110a, en raison de leur précision, sont directement applicables, y compris celles prévues à l’alinéa 4 concernant les licenciements collectifs. Le législateur devra toutefois préciser certains points.
S’agissant de l’alinéa 4, il s’agira notamment, dans la législation, de fixer le nombre de délégués syndicaux en fonction de la taille et de l’organisation de l’entreprise et leur mode de désignation par les syndicats. Le législateur devra également préciser certaines modalités pratiques de la négociation, en prévoyant notamment dans quelle mesure les représentants élus du personnel et les délégués syndicaux doivent être libérés de leur obligation de travailler de manière appropriée pour accomplir leurs fonctions dans le cadre des négociations ou en fixant des règles afin de garantir le devoir de discrétion des personnes participant à la négociation vis-à-vis des personnes extérieures à l’entreprise.

Le législateur devra déterminer les sanctions applicables en cas de violation par l’employeur de ses obligations d’information, de négociation et d’examen des propositions alternatives (al. 4 let. f, 2ème phrase).

Le législateur pourra étendre la protection prévue à l’alinéa 6 à d’autres catégories de travailleurs ; dans ce cadre, il s’agira notamment de déterminer la protection dont peuvent bénéficier les personnes qui se portent candidates comme représentantes du per¬sonnel.

Le législateur devra enfin établir des règles procédurales pour concrétiser les principes prévus à l’alinéa 7 et pour la procédure d’arbitrage en matière de plans sociaux (al. 5, 3ème phrase).

Comme il est prévisible que cette législation ne puisse entrer en vigueur rapidement, une disposition transitoire oblige le Conseil fédéral à adopter des dispositions d’exécution par voie d’ordonnance dans un délai d’une année.

CB 17.7.2013