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La protection des délégués syndicaux au cœur d’un procès à Lausanne

vendredi 15 janvier 2016

JUSTICE • Ex-employé du centre d’impression d’Edipresse à Bussigny, Hans Oppliger poursuit son combat pour obtenir l’annulation de son licenciement survenu en 2009.

paru dans Le Courrier du 15-01-2016

par MARIO TOGNI

Le temps de la justice est parfois long, très long. Remercié en 2009 par le centre d’impression d’Edipresse à Bussigny, dans le cadre d’un licenciement collectif, l’ex-imprimeur et délégué syndical Hans Oppliger se bat toujours devant la justice vaudoise. Il réclame l’annulation de son renvoi et sa réintégration. Le procès a repris hier avec les plaidoiries devant la Chambre patrimoniale cantonale, un an après l’audition des témoins. Le jugement interviendra ultérieurement.
Si le paysage des médias et de l’imprimerie en Suisse a bien changé de- puis les faits – Edipresse a notamment été absorbé par Tamedia –, l’homme et ses avocats, Me Christian Bruchez et Me Romolo Molo, n’entendent pas lâcher le morceau. Il en va d’une question de principe, selon eux : la protection des représentants du personnel face aux licenciements collectifs.

Âpre bataille en 2009

« Quand on congédie un représentant du personnel, c’est le partenariat social qui est attaqué », résume Me Bruchez. En 2009, Hans Oppliger était militant du syndicat Comedia – devenu Syndicom – et délégué élu des employés du centre d’impression au conseil de fondation de la caisse de pension de l’entreprise. S’y jouait alors, selon ses dires, une âpre bataille sur la baisse du taux de conversion des rentes, à laquelle l’intéressé était vivement opposé.

« M. Oppliger était une personne clé dans le mouvement syndical de l’entre- prise. La volonté de l’employeur était de l’écarter et son départ a clairement af- faibli la position des travailleurs », pour- suit son avocat. Il en veut pour preuve que la baisse du taux de conversion, évitée jusque-là, a très rapidement été entérinée, à peine l’employé remercié.
Selon les défenseurs de l’ancien rotativiste, les représentants du personnel ont droit à une protection particulière, « une nécessité d’autant plus grande en période de restructuration », poursuit Me Bruchez. Elle l’est aussi au vu de l’importance accordée par le législateur au fait d’avoir des employés formés et compétents au sein des organes de gestion paritaire des caisses de pension.
Une telle protection des délégués est inscrite dans la Convention collective de travail(CCT)de l’industrie graphique, précisément pour pallier les lacunes du Code des obligations, très libéral en la matière. Or la procédure prévue a été « gravement violée », estime Me Bruchez. « L’employeur devait faire appel au partenariat social. Mais jamais la possibilité d’examiner d’autres solutions que le licenciement ne s’est présentée.

Vision « militante »

L’employeur, représenté par Me Eric Cerottini, conteste et dénonce la « vision militante » de la partie adverse. Sauf à s’adonner à un « formalisme excessif », la procédure a été selon lui au contraire « parfaitement respectée ». Et de discuter dans le détail – sans se mettre d’accord avec ses contradicteurs – sur l’interprétation des multiples échanges de courriers et rencontres intervenus durant les mois ayant suivi le licenciement, alors que Hans Oppliger était en arrêt maladie.
Avant tout, l’avocat d’Edipresse/Tamedia insiste sur les motifs du renvoi, dicté selon lui par le strict contexte économique. Face à la chute des revenus publicitaires et à la baisse des tirages des titres du groupe, « il n’y avait pas d’autres solutions envisageables que de réduire sensiblement le nombre d’employés du centre, assène- t-il. Hans Oppliger a été traité comme les autres employés. »

Et d’ajouter que rien ne démontre le prétendu caractère antisyndical du licenciement. Me Cerottini souligne que le Tribunal fédéral a admis plusieurs fois le motif économique comme un motif de renvoi valable pour les délégués syndicaux. « En l’état de la jurisprudence, on ne peut pas privilégier un représentant du personnel dans le cadre d’un licenciement collectif. Vous pouvez estimer que le droit suisse n’est pas assez social, peut-être ! Mais c’est la législation et il faut la respecter. »

Combatif et amer

Quoi qu’il advienne, Hans Oppliger n’est pas au bout de son combat. La procédure pourrait bien se poursuivre au Tribunal cantonal, voire au Tribunal fédéral. Peu avant l’audience, devant la trentaine de personnes venues le soutenir hier matin à Montbenon, l’homme tenait un discours combatif, mais néanmoins amer. « J’ai bientôt 62 ans et je demande toujours ma réintégration ! Dans cette affaire, il y a déjà un gagnant : le patron, qui a dégagé quelqu’un lui faisant obstacle. » I