Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève
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Depuis le début de l’année, le résultat des négociations entre le Conseil fédéral et la Commission européenne sur l’accord-cadre institutionnel est connu. Plusieurs points de cet accord remettent en cause le droit du travail suisse, dont les mesures d’accompagnement à la libre circulation des personnes.
Le comité de la CGAS du 28 février 2019 s’est résolu à adopter ce manifeste afin de réitérer l’opposition des syndicats à cet accord.
Une attaque sans précédent contre la protection des salaires
Au-delà de la fameuse demande d’assouplir la « règle des huit jours », c’est-à-dire de réduire à quatre jours le délai minimal obligatoire avant lequel les entreprises européennes détachant des travailleurs en Suisse doivent les annoncer aux organes de contrôle, l’accord prévoit plusieurs points hautement problématiques :
Bref, l’accord-cadre s’attaque aux pierres angulaires des mesures de protection des salaires, qui ont été décisives pour que les syndicats, et avec eux une large majorité de la population, acceptent la libre circulation des personnes.
Pour nous, le principe de base reste : « en Suisse, on verse des salaires suisses, même aux salarié-e-s venant des pays de l’UE ». Ces mesures protègent non seulement les citoyen-ne-s suisses de la sous-enchère salariale, mais également les ressortissant-e-s de l’UE qui travaillent en Suisse.
Lors de l’introduction des mesures d’accompagnement, personne – pas même la Commission européenne – ne contestait leur importance, car tout le monde reconnaissait que la Suisse, avec son niveau élevé de salaires, a besoin d’une protection particulière.
Mais ce qui était admis alors ne l’est plus aujourd’hui. La Commission européenne qualifie désormais d’« entraves disproportionnées à l’accès au marché » les mesures destinées à protéger contre la sous-enchère salariale et exige davantage de liberté pour les entreprises qui effectuent des missions en Suisse en y détachant des salarié-e-s.
Il en va de même avec la clause concernant les « aides d’Etat » : l’accord institutionnel risque d’imposer des privatisations dans le service public et d’affaiblir les institutions paritaires ou tripartites dans le domaine de la formation professionnelle ou de la protection de la santé.
Ce n’est pas une question nationale ou européenne, mais une question sociale
Depuis que les syndicats ont annoncé leur opposition, ils font l’objet d’une virulente campagne qui les accuse de faire le lit de l’UDC et de son initiative contre la libre circulation des personnes.
Or, faire croire que les termes du débat se posent entre « la fermeture » et « l’ouverture » de la Suisse, c’est occulter les effets concrets de cet accord institutionnel sur les travailleurs :
Ces effets, qui mèneront inévitablement à une baisse du coût de la main-d’œuvre en Suisse, sont voulus.
Par les employeurs des pays détachant du personnel en Suisse d’abord, qui voient en la Suisse, avec son niveau de prix élevé, un marché particulièrement alléchant et qui ont toujours combattu les protections des travailleurs comme des obstacles insupportables à la « libre concurrence » et aux salaires de sous-enchère.
Mais aussi par de nombreux employeurs suisses, pour qui les mesures d’accompagnement, qui sont parmi les rares avancées dont ont bénéficié les salarié-e-s ces dernières années pour lutter contre leur précarisation et appauvrissement, ont toujours été un mal à combattre. Ils préféreraient avoir la main libre pour payer la main d’œuvre le moins cher possible.
Les syndicats peuvent d’autant moins accepter l’accord-cadre que les mesures de protection actuelles ne suffisent déjà pas pour lutter de manière efficace contre la sous-enchère salariale : trop peu de contrôles, des sanctions peu dissuasives, des salaires de branches et régions entières sous pression, telle est la réalité du marché du travail suisse.
En lieu et place d’un démantèlement, c’est donc bel et bien d’une amélioration de la protection des salarié-e-s dont on a besoin, et notamment d’un salaire minimum décent et d’un renforcement de la protection des salarié-e-s contre les licenciements.
Dire « non » à l’accord cadre, c’est dire « oui »à la libre circulation des personnes
Une chose est claire : le moindre glissement salarial provoqué par l’accord-cadre fera grossir l’électorat de l’UDC et augmentera le risque que son initiative, qui veut mettre un terme définitif à la libre circulation des personnes, soit acceptée en votation populaire.
C’est pourquoi la défense des droits de tous les travailleuses et travailleurs locaux ou immigré-e-s et de leur liberté de travailler à des conditions de travail décentes dans notre pays passe par la défense inconditionnelle des mesures de protection des salaires en Suisse et leur élargissement.
Et donc, par un refus de cet accord-cadre.