Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Prise de position sur les motions M2566, M 2569 et M2577 (promotion de l’égalité et des politiques d’inclusion)

lundi 15 février 2021 par Joël VARONE

Pour la communauté genevoise d’action syndicale (CGAS), un cadre légal trop lacunaire associé à la quasi-absence de contrôles de son application (y compris en matière d’adjudication des marchés publics) n’offrent pas pour le moment les conditions au déploiement d’une politique volontariste de promotion de l’égalité salariale entre hommes et femmes.
Si nous saluons la volonté du Conseil d’Etat de légiférer de manière plus ambitieuse avec le dépôt du PL 12843 (LELVDG), le cadre légal fédéral limitera la portée impérative d’une loi cantonale au seul secteur public.
Les procédures d’adjudication des marchés publics sont donc le principal levier dont disposent les autorités pour faire appliquer les principes de la future loi cantonale au secteur privé. Dans ce contexte, la création d’un label est une piste à évaluer pour compléter un dispositif légal aujourd’hui incapable d’influencer significativement et rapidement la situation. Nous notons à ce propos que l’article 19 de la LELVDG propose de promouvoir les labels. Leur portée dépendra toutefois du modèle choisi et des modalités de mise en oeuvre.

Respect de la loi et outils de promotion
La CGAS ne considère pas que le seul respect de la LEg puisse être considéré comme une politique de promotion active de l’égalité entre hommes et femmes au sein de l’entreprise. En effet, la LEg cible les discriminations les plus manifestes (écarts salariaux non explicables, harcèlement sexuel, discrimination à l’embauche, etc.). Une entreprise peut s’en tenir au strict respect du cadre légal sans pour autant chercher à atténuer certains facteurs d’inégalités entrant dans son champ d’action : conciliation entre vie professionnelle et vie familiale, environnement professionnel non sexiste, représentation équitable des deux sexes à tous les échelons de l’entreprise, etc.
La CGAS estime qu’il n’y a, de manière générale, pas lieu de décerner des labels sur la simple base qu’une entreprise respecte la loi. Dans le cas particulier de l’égalité salariale, nous estimons que le cadre légal est si peu exigeant que décerner des labels pour son respect constituerait un message trompeur sur l’engagement véritable pour l’égalité entre hommes et femmes. Cela permettrait en effet à des entreprises se contentant du « minimum légal », de bénéficier de la même publicité que celles qui entreprennent de véritables efforts de promotion de l’égalité. Pour la CGAS, un label n’a de sens que s’il promeut des engagements bien supérieurs au simple respect de la loi. Faute de quoi il constitue une simple privatisation des contrôles. Il convient de renforcer les moyens de contrôles de l’Office cantonal de l’inspection et des relations du travail (OCIRT) et exiger des PME qu’elles utilisent le nouvel outil LOGIB 2 mieux adapté aux entreprises de petite taille.

Propositions de motions
Motion 2566

Nous sommes favorables au principe général d’un tel label, qui introduit des objectifs bien supérieurs au respect de la loi et tient compte des facteurs structurels des différences salariales. L’intégration d’un tel label dans les critères d’adjudication des marchés publics étant le meilleur moyen de s’assurer de son impact, l’élaboration des critères devrait tenir compte de la manière dont ils pourraient être pris en compte dans les procédures d’adjudication (exclusions, bonus, etc.).
M 2569
La portée d’une telle proposition dépend de ce qu’on entend par « équitable ». Au-delà du respect de l’égalité salariale au sens de la LEg, tout est possible, y compris les critères évoqués dans la motion 2566. Les motions 2566 et 2569 ne sont donc pas à opposer, mais à envisager comme deux niveaux
différents : s’assurer d’abord du respect du cadre légal et favoriser ensuite les politiques d’entreprise volontaristes.
Un label qui attesterait principalement du respect de l’égalité salariale au sens de la LEg ne serait qu’une manière de pallier l’absence actuelle de contrôles. En théorie, aucune entreprise en infraction à la LEg ne devrait accéder aux marchés publics. En effet, les entreprises, quelle que soit leur taille, s’engagent à respecter les usages lorsqu’elles soumissionnent sur les marchés publics, usages qui incluent le droit public impératif, dont la LEg. Dans les faits, le respect de la LEg est rarement vérifié. Pour la CGAS, le minimum serait donc de renforcer les contrôles des autorités sur les marchés publics. L’introduction d’un label constituerait au contraire une privatisation des contrôles.
Dès lors, il faudrait s’assurer que l’OCIRT, en tant qu’autorité habilitée à prononcer une exclusion des marchés publics selon l’art. 45 LIRT, puisse contrôler le label, et être informée si une entreprise échouait à l’obtenir afin qu’elle n’ait pas accès aux marchés publics (car en infraction).
La CGAS conteste la limitation du label aux entreprises de plus de 50 personnes. Celle-ci aurait surtout pour effet de permettre aux entreprises exemptées qui enfreignent la LEg d’accéder aux marchés publics tant qu’elles ne sont pas prises en flagrant délit. Une telle limitation rendrait impératif le renforcement des contrôles par l’autorité, faute de quoi on créerait une distorsion de concurrence. Quant au nombre minimal de 10 femmes, la quasi-absence de celles-ci dans certaines entreprises devrait interpeler sur leurs pratiques en matière d’égalité plutôt que de leur offrir la possibilité de se soustraire à une forme de contrôle.
L’introduction de points bonus dans les procédures d’adjudication n’a de sens que s’il s’agit de récompenser des actions non obligatoires. Un tel système permettrait d’introduire des niveaux de labellisation et de valoriser les entreprises fournissant un effort particulier. A contrario, un label basé principalement voire uniquement sur le respect de l’égalité salariale au sens de la LEg permettrait surtout d’établir une liste noire des entreprises en infraction. Présenter un tel label comme récompensant un effort particulier des entreprises tiendrait du « equality-washing ».
Motion 2577
Nous soutenons cette proposition en ce qu’elle permet de valoriser des actions entreprises en faveur de groupes minoritaires, qui sans cela auraient peu de de visibilité. Le fait de considérer différentes problématiques dans un seul label cantonal permettrait de mettre en oeuvre de manière cohérente la politique cantonale d’inclusion dans le monde du travail, qui représente une part très significative des cas documentés de discrimination.

Mise en oeuvre des labels
Plusieurs questions se posent sur la mise en oeuvre d’un label, quel qu’en soit le modèle et le contenu : organe de contrôle, organe de pilotage, organismes habilités à le décerner, distinction et articulation entre critères impératifs et actions à valoriser, usage que peuvent en faire les entreprises, financement des labels. Par ailleurs, l’élaboration d’un label cantonal devrait être pensée en fonction de sa prise en compte sur les marchés publics, afin de maximiser son impact et d’élargir la portée de la LELVDG.
Conclusion
La CGAS pourrait soutenir le principe d’un label favorisant l’accès aux marchés publics pour les entreprises qui promeuvent l’égalité entre hommes et femmes et l’inclusion à certaines conditions :
• que ce label soit de nature à permettre la mise en oeuvre d’une politique volontariste de promotion de l’égalité salariale dans tous les secteurs, y compris privé ;
• qu’il ne permette pas de se substituer au contrôle de l’autorité compétente ;
• que son pilotage et son contrôle soient transparents et démocratiques.



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