Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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La protection des droits syndicaux : un élément-clé du pacte mondial pour l’emploi !

mardi 16 juin 2009 par Claude REYMOND

Conférence de l’OIT – Session 2009 Version courte Plénum – Débat sur la crise mondiale de l’emploi


Intervention de Vasco Pedrina, chef de la délégation des travailleurs suisses et vice- président de l’IBB (Internationale des travailleurs du bâtiment et du bois)


Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les délégué-e-s,

J’aimerais dans mon intervention attirer votre attention sur un aspect déjà reconnu comme essentiel dans la Déclaration OIT sur la justice sociale, mais qui risque de passer en seconde ligne dans les préoccupations des gouvernements et dans la définition des éléments-clé d’un Pacte mondial pour l’emploi. Il s’agit du respect des droits fondamentaux des travailleurs/euses que sont les droits syndicaux, tâche combien primordiale de l’OIT !

Il y a aujourd’hui des signes inquiétants qui nous font craindre que ces droits finiront par être écrasés sous le rouleau compresseur de la crise mondiale en cours, si nous laissons faire. Or, l’histoire nous enseigne que cela aurait des conséquences sociales catastrophiques. Rappelons que l’une des causes principales de la crise actuelle a son origine dans le démantèlement de la législation relative aux droits syndicaux sous la présidence Reagan aux États-unis, qui a eu comme effet un affaiblissement dramatique des syndicats, mais aussi une stagnation durable des sa-laires réels ayant fait exploser l’endettement des ménages. C’est pourquoi le changement de cap que veulent enclencher les syndicats américains et le président Obama avec le « Employee Free Choice Act »(EFCA) doit être soutenu avec force par cette Conférence.

En Europe, les nuages à l’horizon des droits syndicaux se sont noircis de manière très préoccupante l’année passée avec 4 jugements de la Cour européenne de Justice sur les cas Laval, Viking, Rüffert et Luxembourg qui, tous, portent gravement atteinte aux droits syndicaux.

Lorsque, comme dans le cas du jugement Rüffert, la Cour européenne de justice impose à un « Land allemand » de payer des salaires polonais au lieu des salaires allemands aux travailleurs détachés de Pologne, on ouvre la porte à la déflation salariale. Il s’agit aussi d’une attaque contre des conventions fondamentales de l’OIT, telle que la Convention 94, qui fixe l’application du principe « A travail égal, salaire égal au lieu de destination ». Mais c’est aussi la voie grande ouverte à la montée de la xénophobie. Comment dès lors s’étonner que, lors du conflit à la Raffinerie Lindsey, en Angleterre, à fin janvier de cette année les travailleurs anglais soient entrés en grève en brandissant le slogan « British jobs for British workers » ! On ne ferait pas mieux en période de crise pour mettre le feu aux poudres … sociales et nationalistes !

Un changement de cap s’impose ! Quelque 350’000 travailleurs sont descendus dans la rue de 4 capitales européennes à la mi-mai pour exiger que les droits fondamentaux des travailleurs priment à nouveau face aux libertés du marché. Ce principe doit absolument être ancré, y compris dans le Pacte mondial pour l’emploi !

En Suisse aussi, nous devons faire face, dans le contexte de la présente crise, à une grave remise en cause des droits syndicaux, en particulier sous la forme de licenciements antisyndicaux. Leur nombre est bien en augmentation inquiétante. En février 2009, sur la place de Genève, une vendeuse a été licenciée par un grand magasin au motif de son engagement syndical. Quand bien même l’office de conciliation compétent ait exigé la réintégration de cette militante, la direction a répondu par un non ! Fin avril 2009, une importante fabrique de machines textiles de Suisse alémanique a licencié après 39 ans de bons et loyaux services un militant syndicaliste ayant été pendant de nombreuses années président de la Commission d’entreprise. Enfin, à la mi-mai dernier, dans le cadre d’un plan de restructuration, deux parmi les plus grands journaux suisses, l’un de Zürich et l’autre de Berne viennent de licencier, comme si c’était naturel, les présidents de leur commission d’entreprise. Et dans un tel contexte, que fait le gouvernement suisse ? Il continue avec entêtement à rester sourd face aux appels des syndicats et aux décisions des instances compétentes de l’OIT. Il refuse de prendre des mesures pour mettre un terme à de tels abus.

Comme le droit suisse ne garantit pas une protection efficace contre les licenciements antisyndicaux, l’Union syndicale suisse avait déposé, en 2003, une plainte en violation de la Convention n° 98. L’action a abouti et, en novembre 2006, les instances compétentes de l’OIT ont invité la Suisse à ga- rantir un régime de protection efficace contre les licenciements antisyndicaux. La réintégration des victimes des abus n’existe pas, ni l’annulation du licenciement. Un employeur qui souhaite licencier un syndicaliste n’a qu’à provisionner un petit pécule et plus rien ne l’empêchera de violer la liberté syndicale.

Six ans après le dépôt de la plainte, le gouvernement suisse continue à ne pas bouger au prétexte que les employeurs sont opposés à toute solution de réengagement ; comme si les patrons disposaient d’un droit de veto dans une démocratie.

Pour toutes ces raisons, nous appelons cette Conférence, dans sa résolution finale sur le Pacte pour l’emploi, à donner tout le poids nécessaire au volet des droits syndicaux. Et nous appelons l’OIT à s’engager avec une détermination redoublée à faire respecter ses 8 conventions fondamentales. Protéger et promouvoir ces droits est particulièrement décisif dans le contexte de crise que nous connaissons et pour une issue positive basée sur un développement économique, écologique et social durable. Et qu’il soit bien précisé : cela ne vaut pas seulement pour les pays en développement et les pays dictatoriaux, mais cela vaut aussi pour les pays industrialisés et les États comme la Suisse, qui aiment bien se présenter au monde comme modèles du genre en matière de droits de l’homme et de démocratie.