Communauté genevoise d’action syndicale

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HALTE AUX LICENCIEMENTS ANTISYNDICAUX

Liberté syndicale : la Suisse rechigne

jeudi 18 juin 2009 par Claude REYMOND

Du 2 au 18 juin dernier, l’Organisation internationale du travail (OIT) tenait sa conférence annuelle à Genève. Le 9 juin, Doris Leuthard venait y signer un accord pour renforcer la protection des travailleurs… dans les pays en développement. L’Union syndicale suisse (USS) a profité de cette occasion pour y dénoncer la passivité de la Suisse pour modifier sa propre législation en cas de licenciement antisyndical.

Yves Sancey

Paru dans « m » le journal du syndicat comedia, N° 6 - juin 2009.


Fondée en 1919, l’Organisation internationale du travail (OIT), dont le siège est à Genève, promulgue un certain nombre de conventions que les Etats s’engagent à respecter. Par exemple, la Convention N° 98, adoptée en 1949 et ratifiée par la Suisse en 1999, exige une « protection adéquate » pour éviter qu’un employeur en vienne à « congédier un travailleur ou lui porter préjudice par tous autres moyens, en raison de son affiliation syndicale » (art. 1).

La Suisse épinglée deux fois

En 2003, l’USS avait déposé plainte à l’OIT contre la Confédération. Hormis une indemnité, la législation suisse n’offre pas une protection suffisante Tenant à son image de pays défendant les droits humains dans le Sud, la Suisse n’aime pas se faire épingler pour son peu d’empressement à défendre ici ces mêmes droits fondamentaux. Condamnée en 2004par l’OIT, elle n’a pourtant pas changé sa législation. Informée par l’USS de plusieurs nouveaux cas, l’OIT a émis une nouvelle recommandation en 2006. Nouveau refus du Conseil fédéral en 2008. En 2009, on assiste à une nouvelle vague de licenciements antisyndicaux. C’est le cas chez Manor avec Marisa Pralong, vendeuse et militante d’Unia (voir encadré) et Tamedia.

Tamedia antisyndical

Le 28 mai dernier, deux jours après la tenue de rassemblements de protestation, Daniel Suter et Daniel Goldstein, les deux présidents de la commission du personnel du Tages-Anzeiger et du Bund ont été licenciés. Au moment même où ils doivent négocier le plan social ! Dans le témoignage livré le 9 juin par l’USS, Daniel Suter explique toutes les difficultés rencontrées lorsqu’il s’est mis en tête, il y a cinq ans, de créer une commission du personnel au Tages-Anzeiger, la direction cherchant à entraver cette initiative. Un recours à l’Office de conciliation zurichois a même été nécessaire.

Au vu de ces éléments, et même si officiellement ces deux représentants des employés ont été licenciés pour des raisons économiques, comedia estime que la mesure prise revient à sanctionner leur intense engagement en faveur de conditions de travail décentes et pour une information de qualité. Selon Me Christian Bruchez, spécialiste du droit du travail et présent à la conférence de presse de l’USS du 9 juin, « le seul moyen de garantir effectivement la liberté syndicale et le fonctionnement d’un réel partenariat social est d’inscrire dans la loi le droit à la réintégration de tous les délégués syndicaux licenciés abusivement. »

Selon l’avocat : « L’absence de protection des militants dans les entreprises entraîne une docilité des délégués, incités à préserver leur place. » Ce qui se passe à Zurich et Berne est aussi grave en raison du signal qui est envoyé à la Suisse romande. En éjectant les représentants du personnel, Tamedia annonce la couleur pour cet automne quand elle s’occupera de dépecer certaines rédactions : ceux qui bougeront se retrouveront à la rue !
L’USS envisage de recharger sa plainte contre le Conseil fédéral lors de la session annuelle de l’OIT en 2010. Elle pourrait même demander qu’une commission d’enquête internationale sur les entraves à la liberté syndicale en Suisse soit mise en place. Après celle des paradis fiscaux, la Suisse figurera-t-elle sur une nouvelle liste grise, celle des paradis patronaux ?

Conférence de presse de l’USS critiquant la passivité de la Suisse à appliquer les recommandations de l’OIT contre les licenciements antisyndicaux. Avec
Claude Reymond (CGAS, à g.), Claude Briffod (Unia), Margerite Bouget (Syna), Marisa Pralong (Unia, au centre). A sa gauche : Vasco Pedrina (Unia) et Me Christian Bruchez, avocat. (photo m-magazine)