Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

Rue des Terreaux-du-Temple 6 - 1201 Genève

iban CH69 0900 0000 8541 2318 9

AVS ET DEUXIEME PILIER : UNE COEXISTENCE DIFFICILE !

’’Le point de vue du vice-président de l’Union syndicale vaudoise’’

jeudi 14 avril 2016

Jean-Claude Cochard, avril 2016

Avril 1917, gare de Berne, Lénine, membre du partit socialiste suisse de 1914 à 1917, prend congé de la classe ouvrière suisse. Il sera accueilli triomphalement à la gare de Finlande, à Petrograd, quelques semaines plus tard. En octobre, c’est la révolution et les Bolchéviques prennent le pouvoir en Russie. Nous sommes à la fin de la quatrième année d’une horrible guerre, qui fait souffrir toutes les populations du continent européen. En Suisse, épargnée par les opérations militaires,la population se sent usée par les restrictions, le chômage et la misère. A l’appel des organisations ouvrières, les grèves se multiplient. En septembre, à Zurich, les employés de banque se mettent en grève, au cœur de la place financière suisse, aux coffres-forts bien garnis par la fuite des capitaux provenant des pays belligérants. C’est la stupeur et la consternation parmi la bourgeoisie helvétique et le patronat. Persuadés que c’est le premier épisode du « Grand soir bolchévique », l’armée est immédiatement envoyée à Zurich pour rétablir l’ordre !
En Allemagne, les comités de soldats et d’ouvriers organisent des débrayages et des actes de désobéissance civile. En novembre, la mutinerie de la marine impériale, oblige le Kaiser à abdiquer. Le 11 novembre, l’Allemagne signe l’armistice. En Suisse c’est la grève générale ! De Petrograd, Lénine appelle à la révolution les masses prolétariennes, notamment celles d’Allemagne et de Suisse, pour desserrer l’étau de la contre-révolution en Russie. En Suisse, les forces de l’entente, (la France, l’Angleterre et les USA) font savoir au Conseil fédéral qu’ils exigent que la stabilité soit assurée dans notre pays. Une nouvelle fois, l’armée est mobilisée contre les grévistes et l’état d’urgence fut proclamé !

C’est de cette époque insurrectionnelle aiguë que provient l’idée d’une assurance vieillesse et survivants, obligatoire et accessible à tous. Ce projet va agiter les autorités fédérales pendant toute la période del’entre-deux guerres. La nécessité d’assurer un semblant de cohésion nationale, contre le mouvement communiste et celui des fascistes, va obliger le patronat et les syndicats à s’entendre sur la question. Mais, le premier, échaudé par les évènements de 1918, refuse l’idée d’unEtat-providence. Les seconds, qui n’avaient pas attendu l’émergence de l’Etat-social, pour venir en aide aux camarades dans le besoin et qui avaient créé de nombreuses caisses mutuelles de secours, se méfiaient de l’Etat, aux mains de la bourgeoisie suisse. Si bien que la première version de l’AVS est refusée par le peuple suisse en 1931.Après la capitulation, sans condition de l’Allemagne, en 1945,l’Armée rouge occupe la moitié du continent européen ! L’angoisse d’une nouvelle époque révolutionnaire est bien présente dans les démocraties occidentales de l’après-guerre. Pour couper l’herbe sous les pieds des partis communistes, le patronat et les organisations ouvrières avaient compris, cette fois, l’urgence de développer l’Etat social tel que nous le connaissons encore aujourd’hui. Ainsi, l’AVSfut acceptée en votation populaire en 1947.

Une génération plus tard, la surchauffe de la croissance économique fait à nouveau sentir ses effets sur la classe ouvrière. L’inflation et la pénurie de logements font souffrir les plus défavorisés. Une réforme des assurances sociales s’impose. C’est ainsi que la Suisse,contrairement à d’autres, se lance dans la pérennisation d’un système mixte, étatique, parapublic et capitaliste de la prévoyance sociale, dit des « trois piliers ». Ce compromis, typiquement helvétique, soutenu par les partis institutionnels, à l’exception des communistes et des nationalistes, fut accepté en votation populaire en 1972. Ce résultat n’aurait pas été possible sans l’appui du PSS et celui de l’USS, qui ont fait croire à la classe ouvrière, l’espoir d’un deuxième pilier généreux et cogéré par les travailleurs ! Et maintenant, que reste-t-il de ce pacte social, censé garantir la cohésion sociale du pays ? Les promesses des dirigeants syndicaux sur la cogestion des institutions de prévoyance ont tourné à la farce. Les représentantes et représentants de la classe ouvrière dans les conseils de fondation sont marginalisés par celles etceux du patronat, bardés de diplômes en science économique ou financière. Les « experts du deuxième pilier » se prennent pour Dieu lorsqu’ils élaborent des tables de mortalité sur la longévité de la vie, pour les générations futures ! En réalité, la stabilité de nos institutions de prévoyance ne peut-être garantie qu’avec un financement résultant d’une répartition équitable de la richesse produite par le travail. Une approche politique donc, que les « experts » n’apprécient pas vraiment, sachant que leurs avis s’avèrent,le plus souvent, difficiles à faire accepter par l’opinion publique. En choisissant de lancer l’initiative AVS+, l’USS a voulu fédérer ses troupes et faire pression sur le parlement. Mais cette stratégie est risquée étant donné que la nouvelle majorité, issue des urnes, a sèchement refusé l’initiative de l’USS. Sur le plan de la mobilisation populaire, le PSS et l’USS doivent aussi savoir que la moitié de la classe ouvrière suisse est dépourvue du droit de vote sur le plan fédéral et ce ne sont pas les deux marionnettes en carton, avec leurs gants de boxe, dressées devant le Palais fédéral, qui vont faire peur à la bourgeoisie suisse et au patronat helvétique. Derrière les marionnettes de l’USS, la place fédérale me semble bien vide sur les photos de propagande !

Cette image d’une place vide, illustre bien la difficulté de l’USS de reprendre la lutte des classes là où elle l’a abandonnée, c’est-à-dire sur les lieux de travail, dans les entreprises. AVS+, PV2020 et RIE3 se résument aux enjeux liés à la juste répartition de la richesse produite par le travail. Un combat qui se mène depuis plus de 150 ans entre les masses laborieuses et les propriétaires des moyens de production. Depuis la disparition de l’Union soviétique et le retour du capitalisme en Chine populaire, le patronat et la bourgeoisie des démocraties occidentales ont remis en question la pertinence de l’existence de l’Etat-social ou de l’Etat-providence, c’est selon, tel que nous le connaissons encore aujourd’hui !



titre documents joints