Communauté genevoise d’action syndicale

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Pour un congé maternité/paternité cantonal de 36 semaines

lundi 21 octobre 2019 par Joël VARONE

L’Alternative (Ensemble à Gauche, Les Verte, le Parti socialiste) et les syndicats (CGAS) ont déposé pour la session parlementaire de fin octobre un projet de loi en faveur d’un véritable congé maternité/paternité cantonal.

Objectif : instaurer un congé maternité/paternité de 18 semaines pour chaque parent afin de contribuer à l’égalité femmes/hommes. Cela revient à augmenter de deux semaines le congé maternité et de 16 semaines le congé paternité. Un tel dispositif, qui a déjà largement fait ses preuves dans de nombreux pays européens, permettra une meilleure répartition des tâches domestiques entre femmes et hommes. Dans un même temps, en instaurant un congé de durée égale pour les femmes et pour les hommes, il fera diminuer les discriminations en lien avec la maternité sur le marché du travail qui pèsent sur les femmes. Et l’amélioration ne s’arrête pas là, le dispositif prévoit également de préserver l’intégralité des revenus des bas salaires, au lieu des 80% prévus par la loi fédérale actuellement.

Suite au retrait de l’initiative fédérale de Travail.Suisse en faveur d’un congé paternité de 4 semaines et à l’entrée en vigueur prochaine du contre-projet indirect à cette initiative qui prévoit un congé paternité de 2 semaines au niveau fédéral, les cantons ont désormais la possibilité de légiférer sur l’instauration de congés paternités cantonaux. C’est l’objectif du projet de loi déposé aujourd’hui par l’Alternative et les syndicats, qui propose de doter Genève d’un congé paternité de 18 semaines (126 jours) ainsi que de faire passer le congé maternité de 16 à 18 semaines. Alors que la Suisse ne s’est dotée d’un congé maternité qu’en 2005, Genève instaurait une assurance maternité cantonale dès 2001. Le projet déposé aujourd’hui offre une nouvelle occasion à Genève d’être pionnière en matière de politique familiale.

Par ailleurs, son coût serait abordable. En se basant sur le coût actuel du système cantonal et en prenant en compte l’écart de 30,8% qui existe entre les salaires moyens nets féminins et masculins, le coût des 18 nouvelles semaines de congé maternel/paternel prévues par ce projet s’élèverait à 300’520’000 francs. Cela représente environ 1% de la masse salariale du canton, soit une augmentation des cotisations de 0.5% à charge des employé-e-s et de 0,5% à charge des employeurs.

Un dispositif en faveur des bas salaires
Outre la modification en terme de durée du congé cantonal maternité (+2 semaines) et paternité (+16 semaines), le projet de loi de l’Alternative et des syndicats introduit une autre modification, concernant la part du gain assuré qui serait prise en charge par l’assurance maternité et paternité cantonale pour les bas revenus. Actuellement, le système de congé maternité/paternité prévoit le versement du 80% du gain assuré à ses bénéficiaires. Et cette baisse de revenu conséquente est évidemment plus difficile à supporter pour les personnes ayant de bas revenus. Afin d’atténuer cela, le projet de loi prévoit de verser aux personnes se situant en dessous d’un certain revenu l’intégralité ou un pourcentage plus élevé (85%, 90% ou 95%) de leur gain assuré.

Rattraper le retard pris
La Suisse est la lanterne rouge en Europe en matière de politique familiale : elle est le dernier pays à mettre en place un congé paternité ou parental. Jusqu’à la mise en œuvre du congé paternité de deux semaines voté par l’Assemblée fédérale, le Code des obligations suisse ne prévoyait qu’un seul jour de congé pour « événement particulier ». Plusieurs employeurs privés s’en approchent déjà aujourd’hui, à l’instar de Novartis qui offre un congé paternité de 70 jours. Dans les administrations publiques, le canton de Neuchâtel octroie un congé paternité de 20 jours depuis peu, tout comme les villes de Lausanne, Genève, Berne, St-Gall, Lucerne, Bienne, Neuchâtel et Bellinzone. Dans les pays voisins, l’octroi d’un congé paternité ou parental ambitieux tient de l’évidence. En Allemagne, il existe un congé parental de trente-six mois, dont douze à quatorze mois sont rémunérés. La Norvège prévoit un congé paternité de 15 semaines, qui peut être allongé par un congé parental pendant encore 29 semaines, indemnisés à 80% du salaire. En Espagne, les pères ont un congé de 8 semaines payées à 100% tandis qu’au Portugal, ils disposent d’un mois depuis 2009, dont les deux premières semaines sont payées à 100%.

Les effets pervers de l’absence de congé paternité
La Commission fédérale de coordination pour les questions familiales (COFF) a fait réaliser une revue de la littérature sur les résultats d’environ 140 études scientifiques menées de 2010 à 2017 sur la question du congé parental au sens large (congé paternité, maternité et parental). Les résultats sont sans équivoque. A l’arrivée d’un enfant, beaucoup de femmes réduisent leur taux d’occupation ou renoncent à toute activité professionnelle. Elles n’arrivent à réintégrer le marché du travail que dans des conditions difficiles par la suite, ou ne s’y réintègrent pas. Le temps partiel et la perte de revenus font des femmes une population souvent en situation précaire lors du passage à la retraite. Cette situation est totalement inégalitaire et doit changer. Non seulement les femmes y perdent, mais l’ensemble de la société également : perte de main-d’œuvre qualifiée pour l’économie suisse, baisse des recettes fiscales et hausse des coûts sociaux pour l’Etat.

Les avantages indéniables du congé paternité…
La mise en place d’un congé paternité d’envergure ne représente que des avantages. Il contribue à déconstruire les stéréotypes de genre et à répartir de manière plus égalitaire les tâches domestiques et familiales. Car si les mères ont renforcé au fil des ans leur présence dans le monde du travail, l’engagement durable des pères en termes de garde d’enfants et de tâches domestiques est par contre resté faible. Le congé paternité renforce l’engagement des pères au sein de la famille et sa relation à l’enfant. Il est démontré qu’un investissement accru du père joue un rôle positif pour l’enfant. Son développement cognitif et affectif s’améliore avec une plus grande prise en charge par le père, ce qui se répercute ensuite clairement sur les résultats scolaires de l’enfant. Il semblerait cependant qu’une égalisation des tâches (répartition entre profession et tâches domestiques) s’ancre durablement lorsque le congé est long (plusieurs mois). Enfin, les diverses formes de congé parental rémunéré, dont le congé paternité, influencent positivement la productivité, le chiffre d’affaires et l’ambiance de travail au sein des entreprises. A noter que ce projet de loi permettra également une autre avancée, dans la mesure où il inclut les parents de même sexe dans le dispositif.