Communauté genevoise d’action syndicale

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Les doutes se multiplient face à la « stratégie » de la RTS

vendredi 29 novembre 2019

Avec le rejet de l’initiative no billag à 71,6%, la population suisse a renouvelé sa confiance aux professionnel-le-s de l’audiovisuel, qui auraient pu s’attendre à une période plus sereine ouvrant la voie à une recrudescence de la création et à la possibilité de s’adresser plus et mieux aux milieux populaires, aux populations issues de l’immigration et aux nouvelles générations [1] (selon les recommandations du Conseil fédéral dans son rapport sur le service public).

Oui… mais !

La direction de l’entreprise a décidé d’interpréter ce résultat comme un « oui … mais ». Depuis le 4 mars 2018, les mesures d’économie et les réformes, petites et grandes, s’abattent sans répit sur le personnel, générant insécurité, démotivation et peur.

Coupes dans les programmes, réduction de 25% des espaces de travail comme prélude à un redimensionnement possible de l’entreprise, départs non remplacés sans politique de limitation de la charge de travail, stratégie numérique sans programme de formation et reconversion, projet de délocalisation de 300 emplois avec le projet Campus RTS sur le site de l’EPFL à Écublens (et son centre news unique radio-tv-digital sans réelle plus-value éditoriale), etc. Toutes ces réformes ont des effets concrets sur les rapports de travail, sur la santé du personnel et sur la qualité de l’offre.

« On a voté NON à No Billag, pourquoi supprimez-vous des émissions ? »

« Au cœur du sport », « En ce temps-là », « Mauvaise langue » et « Toute une vie » font partie des programmes de télévision supprimés. Tout comme les « Coups de cœur d’Alain Morisod » et « La puce à l’oreille », sans que de nouvelles émissions ne prennent le relais ; la programmation estivale de « Mise au point » et « Couleurs d’été » réduiront leur production originale, et certains magazines (« Temps présent » et « 36,9° ») devront revoir à la baisse leur production maison.

En radio, « Crapaud fou », la chronique « Futur antérieur » ainsi que la tranche 5h-6h Actu de la Matinale de La Première disparaîtront des ondes. En 2020, Espace 2 proposera une nouvelle grille qui verra la disparition presque totale des émissions littéraires, ce qui suscite déjà une forte inquiétude des milieux culturels.

Ces décisions de la direction RTS, qui touchent le mandat de service public et qui ont des répercussions sur l’emploi – 11 postes de journalistes actu radio/tv sont annoncés supprimés – seront mises en œuvre dès janvier 2020, sans que les professionnel-le-s aient eu l’occasion de s’exprimer en amont sur la stratégie, floue et peu étayée, et sans consultation du personnel permettant de proposer des solutions alternatives à la suppression de programmes et d’emplois.

La RTS a-t-elle les moyens de sa « stratégie numérique » ?

Prise dans ce qu’elle perçoit comme une fuite en avant dans le « tout numérique », une partie du personnel craint que la stratégie de la direction, qui semble naviguer à vue, ne mette à terme en danger le service public, que ce soit sous la forme d’une désaffection d’une partie du public ou de nouvelles coupes dans la redevance. Le personnel de la Radio, réuni lors de l’assemblée générale de son syndicat à Lausanne, a récemment adopté une résolution intitulée « 2024 : Antennes radio en danger ! », pour tirer la sonnette d’alarme sur les enjeux du projet d’entreprise RTS.

Fondamentalement, les professionnel-le-s interpellent la direction sur les moyens qui devraient être mis à disposition pour pouvoir investir toujours plus le numérique (internet) sans mettre en danger la production destinées aux vecteurs historiques linéaires (la radio et la télévision). Une question cruciale alors que la RTS subit des programmes d’économie à répétition.

Comme s’il n’y avait pas d’autres réponses possibles, faisant fi de l’expérience accumulée du personnel, impliqué depuis plusieurs années dans la « bascule digitale » de l’audiovisuel de service public, la direction de la RTS se prive d’un débat au sein de ses rédactions, et plus largement auprès de la population suisse qui finance la SSR [2].

Le personnel de la RTS, qui travaille à flux tendu depuis des années et auquel la direction demande des efforts supplémentaires, s’inquiète de la qualité de ses productions, qui vont pâtir du manque de temps et de personnel pour assurer, en plus des heures de production pour la radio et la télévision, l’augmentation significative de la production pour le numérique (Facebook, Youtube, Instagram et autres plateformes).

Le service public audiovisuel, ce sont celles et ceux qui produisent les programmes

Fort de la confiance exprimée à son égard par le public lors de la votation populaire du 4 mars 2018, de son expérience et de son expertise professionnelle, le personnel a demandé l’organisation d’un débat réunissant les profesionnelle.e.s de la radio, de la TV et du numérique pour y voir plus clair, et avoir son mot à dire dans cette évolution majeure de l’entreprise et de l’offre de service public.

Dans ce contexte, poursuivre le projet Campus dans sa forme actuelle[3] (devisé à 110 millions de francs avant la pose de la première pierre) tout en supprimant des émissions et en multipliant les mesures d’économies qui touchent à l’emploi, relève d’une obstination qui met en danger l’existence-même de la RTS.

Lien vers l’article original sur le site du SSM Romand ici.

[1] …et pas uniquement aux jeunes réduits à des « consommateurs digitaux »

[2] La direction a beau répéter que la radio filmée n’est pas de la télévision, le mécontentement suscité auprès des politicien-ne-s, habitué-e-s à intervenir sur les antennes radio sans devoir se préoccuper des contraintes de l’image, dit le contraire.

[3] Projet de bâtiment abritant 900 personnes, mêlant casse sociale liée à la délocalisation de 300 emplois et infrastructures ne correspondant pas aux besoins actuels de la radio.