Communauté genevoise d’action syndicale

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L’Union syndicale suisse communique

La défense des droits fondamentaux ne s’applique-t-elle qu’aux autres pays ?

jeudi 9 octobre 2008 par Claude REYMOND

Le Conseil fédéral mène une politique active en faveur des droits humains et pour renforcer les organisations internationales qui les défendent. C’est une bonne chose. Mais d’un autre côté, il n’y a qu’en Suisse que le gouvernement se permette de nier purement et simplement l’existence d’une violation du droit international, malgré une condamnation sans équivoque par un organe de l’Organisation internationale du Travail (OIT). Qui plus est, il va jusqu’à mettre en doute la légitimité de cet organe... Une méthode que l’on
croyait être l’apanage exclusif d’États-voyous comme la Birmanie.

Jean Christophe Schwaab, secrétaire central de l’USS

En 2003, l’USS a déposé une plainte devant le Comité de la liberté syndicale de l’OIT pour violation de la convention n° 98 sur la liberté syndicale, une convention ratifiée par notre pays en 1999. Selon cette convention, les États parties doivent protéger efficacement les travailleurs et travailleuses contre les licenciements antisyndicaux. La liberté syndicale n’est en effet qu’une chimère si les militant(e)s peuvent être réduits au silence grâce à la menace d’un licenciement. Le Comité de la liberté syndicale a admis la plainte, car la législation suisse ne fait que qualifier un tel licenciement d’abusif (Art. 336c CO), ne l’annule pas et ne garantit au salarié lésé que des indemnités très faibles (6 mois de salaire au maximum), qui n’ont pas le moindre effet dissuasif sur l’employeur. Après avoir mis en doute la légitimité de ce comité, le Conseil fédéral a tout de même daigné répondre aux 10 nouveaux cas de licenciements antisyndicaux soumis à l’OIT par l’USS en 2006. Mais cette réponse est navrante.

Le Conseil fédéral conclut que « le droit en vigueur offre une protection suffisante en cas de licenciement abusif pour motifs antisyndicaux ». Mais le raisonnement qui aboutit à cette conclusion plutôt surprenante est bancal : le Conseil fédéral avance en effet qu’il n’y a pas de problème parce qu’il n’y a pas eu de jugements. En effet, dans la plupart des cas, il n’y a pas eu de jugement, car les militants syndicaux licenciés et leurs ex-employeurs ont conclu un accord extrajudiciaire. Mais les licenciements n’en étaient pas moins antisyndicaux. C’est un peu comme si le gouvernement venait à prétendre qu’il n’y a pas de criminalité parce que tous les criminels ne sont pas jugés.

Le Conseil fédéral s’appuie en outre sur le fait que les partenaires sociaux n’ont pas pu s’entendre sur une modification de la législation en faveur des salarié(e)s syndiqués. Là encore, ce n’est pas parce que les personnes qui devaient trouver une solution n’ont pas pu se mettre d’accord que le problème peut être considéré comme résolu. Enfin, le gouvernement passe comme chat sur braise sur le seul cas de licenciement antisyndical à avoir été jugé. Il constate certes l’existence d’un licenciement contraire à la convention de l’OIT, mais prétend que la sanction légale (une indemnité de 5 mois de salaire) a été suffisante. Pourtant, elle n’a eu aucun effet dissuasif, le travailleur concerné ayant bel et bien perdu son emploi. De manière abusive, certes, mais perdu tout de même.

Le Conseil fédéral doit donc changer radicalement de point de vue et présenter rapidement au Parlement une modification du droit du contrat de travail qui protège efficacement les salarié(e)s contre les licenciements antisyndicaux, afin que le droit suisse se mette en conformité avec le droit international. Il est en effet indigne pour un pays qui se veut défenseur des droits humains de tolérer la violation d’un droit fondamental sur son
propre territoire.


Note de Claude Reymond

La prise de position du Conseil fédéral est téléchargeable en pied de cet article

Lorsque le Conseil fédéral s’appuie sur le fait que les partenaires sociaux n’ont pas pu s’entendre sur une modification de la législation en faveur des salarié(e)s syndiqués et qu’il considère impossible dès lors de soumettre une proposition au Parlement, on se s’interroge !

Le Parlement a-t-il demandé aux partenaires sociaux l’autorisation pour instaurer l’immunité parlementaire ? Immunité que seul le Parlement lui-même peut lever !

Les syndicats n’exigent pas d’autre protection pour les leurs que celle dévolue par la loi aux citoyens ayant reçu mandat du peuple : à savoir, que les élus des travailleurs ne devraient être sanctionnés que par ces derniers !

Par ailleurs, les employeurs devraient être sanctionnés par la Justice quant s’ils s’avisent d’interférer dans l’exercice des libertés syndicales.