Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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grève générale - rapport sur la situation à Genève

jeudi 20 novembre 2008 par Claude REYMOND
Au camarade Charles SCHURCH
Secrétaire de l’Union Syndicale Suisse
et au président Paul RECHSTEINER
BERNE
 
Genève le 20-11-1918


COMITE D’ACTION OUVRIER
Union ouvrière & Ligue du personnel à traitement fixe réunies
Siège social
CHAMBRE DE TRAVAIL
Rue des Terreaux-du-Temple - Genève


Mon cher camarade,

Le Comité d’action ouvrier de Genève ayant été coffrer jeudi après-midi à 4 heures et relâché que hier au soir à 7 heures, ce n’est qu’aujourd’hui que je parviens à t’adresser un rapport sur la situation à Genève.

La grève générale a ici parfaitement bien réussi grâce à l’attitude exemplaire des cheminots en particulier. Les services industriels n’ont pas marché, les postiers se sont ralliés au mouvement que jeudi matin et encore que partiellement, environ 80 postiers. Il y a eu quelques défections le mercredi avec les employés de tramways qui avaient reçu un ordre de marche de la direction, mais ces défections n’ont pas eu une grande influence sur le mouvement. Les cheminots par contre ont été admirables, mobilisés individuellement et ayant reçu l’ordre de marche signée du Commandant de place, porté à domicile par un fonctionnaire accompagné de deux soldats baïonnette au canon, ils ont refusé catégoriquement d’obtempérer, déclarant s’en référer aux instructions de leur comité central. Dans la métallurgie et le bâtiment tout a bien été également, sauf dans quelques corporations, horlogerie, alimentation, etc. ou les ouvriers et les ouvrières sont relativement mal organisés.

Les bourgeois de Genève avaient mobilisé tout ce qui était mobilisable contre la classe ouvrière : gendarmerie, agents de la sûreté, sauveteurs auxiliaires, gardes civiques, gymnastes, pompiers. Malgré cela aucun trouble ne s’est produit jusqu’au moment ou la grêve générale se terminait et ou les autorités ont pris les mesures nécessaires pour assiéger le local du Grütli ou nous avions assemblée et s’emparer du comité de grêve, sous le fallacieux prétexte qu’il avait été délivré des bulletins de grêve avec un tampon humide portant la mention Grêve pas terminée. Notre camarade Nicolet qui était descendu dans la rue à la première échaffourée dans le but de calmer la foule, a été appréhendé par la gendarmerie et frappé d’ignoble façon par les gendarmes et les civiles, soit dans la rue, soit au poste. Nous autres, Nicole, Hofman et moi, nous nous sommes rendus au poste en compagnie du directeur de la police centrale et d’un commissaire de police et rien ne nous a été fait.

Depuis le poste nous avons été conduits tous les quatre en automobile aux violons et après interrogatoire par le Commissaire de police, à la Prison de St-Antoine ou nous sommes restés 24 heures. Hier après-midi à 5 heures nous avons été interrogés par major et à 7 heures nous avons été remis en liberté, sauf le camarade Nicole, qui est employé postal et que cinq collègues de travail avaient dénoncés comme ayant tenu des propos compromettants au cours d’une assemblée de postiers, et qui fut relâché aujourd’hui à midi après une instruction moins sommaire que la nôtre. Après notre départ, le local du Grüli qui était occupé par la troupe, baïonnette au canon, fut fermé, ainsi que l’imprimerie des U.0. où les scellés furent apposés.

Peu avant que l’agression policière se produisit au Grütli, Nicolet avait téléphoné à la Maison du peuple de Berne pour savoir si le communiqué du Journal de Genève affirmant que le Soviet d’Olten avait capitulé sans condition et que la grêve était terminée le soir à minuit était exact. Brotschy ayant répondu qu’il était exact que décision avait été prise de terminer la grêve pour minuit, nous avions justement pris la décision d’en aviser la classe ouvrière au moyen de feuilles volantes, en attendant une confirmation télégraphique que nous avions demandée à Brotschy et nous avions chargé tous les comités de syndicats présents de faire le nécessaire pour convoquer leurs membres pour 8 h ½ du soir, afin de leur communiquer officiellement la fin de la grêve.

Donc, sans l’intervention de la magistrature, de la gendarmerie, des agents de sûreté, des sauveteurs auxiliaires, des gardes civiques, des gyms, des pompiers et de deux compagnies du 124, la grêve générale à Genève se serait passée dans le calme le plus complet et avec une discipline exemplaire. C’est cela qui faisait le plus baver nos bourgeois et comme nous ne prétions pas le flanc à des provocations, ils ont fini par monter leur offensive de grand style contre le Grütli.

Jusqu’à aujourd’hui nous n’avons pas eu connaissance que les représailles sérieuses aient été exécutées. Quelques patrons ont refusé de reprendre des ouvriers et des ouvrières avant lundi, mais c’est tout.

N.B. Dans ce texte, l’orthographe originale a été respectée, ce qui explique les fautes que l’on y trouve.

Extrait du Dossier d’histoire nationale - fascicule du maître - La grève générale de 1918 en Suisse - Département de l’instruction publique - Genève 1982 - page 19 et 20
Ressaissi ce jour du 20 novembre 2008 à titre de mémoire



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