Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Le mouvement syndical genevois revendique

Pour le partage de l’emploi

De la formation continue qui engendre des droits

lundi 2 novembre 1998 par Claude REYMOND

Cette prise de positon arrêtée en 1998, mais dont la sortie coïncida avec une remise en cause profonde de l’Etat dit social et la mise sur pied de La Table Ronde qui fut organisée pour sortir tant de la crise financière du canton que politique, s’est finalement évaporée puisque notre capacité à porter ce projet fut diluée dans le contexte de résistance contre la liquidation des « acquis ».

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Préambule

On estime généralement que, depuis le début du siècle, la durée du travail, dans les pays industrialisés, a été réduite de moitié dans la vie d’une personne.

Semaine de 5 jours, obtention de vacances, prolongation de la scolarité qui retarde l’entrée dans la vie professionnelle, introduction de la retraite, baisse de la durée hebdomadaire du travail sont quelques-unes des conquêtes sociales qui ont provoqué la réduction de la durée du travail.

Cette dernière a également été rendue possible par une hausse considérable de la productivité qui, aujourd’hui, continue à augmenter très rapidement. Les produits, services et biens à consommer sont de plus en plus nombreux, mais la main-d’oeuvre nécessaire, dans nos pays, se réduit constamment.

Aucune raison

II n’y a donc aucune raison pour que la réduction de la durée du travail ne se poursuive pas. Pourtant, de fait, et depuis plusieurs années, elle est en Suisse pratiquement stoppée. Ce coup d’arrêt accroît les conséquences de la crise économique structurelle, alors même que la réduction massive de la durée du travail est l’une des réponses au taux de chômage élevé, qui conduit un nombre de plus en plus important de nos concitoyennes et concitoyens à l’exclusion économique, donc sociale.

II ne se passe pas de semaine sans que ne soient annoncées des milliers de suppressions d’emplois, ici ou ailleurs. Avec parfois la prétention hypocrite, faite pour auto-rassurer les responsables de décisions socialement catastrophiques, qu’elles ne sont finalement pas si graves puisqu’elles n’entraînent “que” quelques centaines de licenciements. En réalité, il s’agit d’une déviation perverse de la conduite de l’économie, où l’intérêt général ne compte plus, effacé au seul profit des détenteurs du capital. Et ces derniers n’avancent aucun projet susceptible de parer aux conséquences de leurs décisions égoïstes. Au contraire, ils sont régulièrement de ceux qui protestent contre l’augmentation des coûts sociaux induits par leurs propres comportements.

Et pourtant

La CGAS, lors de la séance de son comité du 7 mai 1998, a arrêté les positions suivantes, destinées à guider les luttes qu’elle va mener, sur le plan cantonal et dans tous les secteurs économiques où elle est représentée, pour que le partage de l’emploi soit rendu possible par une forte et rapide réduction du temps de travail.

II Buts poursuivis

  1. Création de nouveaux emplois
  2. Eviter des licenciements
  3. Partage équitable des gains de productivité
  4. Augmentation du temps libre
  5. Partage des tâches équitables entre les femmes et les hommes
  6. Accès à des tâches citoyennes plus nombreuses, pendant le temps libéré.

III Objectifs

  1. La lutte contre le chômage et l’exclusion est prioritaire. Le partage du travail et des revenus ainsi que l’ouverture à des solutions nouvelles sont des éléments indispensables au succès de la lutte pour une société qui puisse rester harmonieuse et solidaire.
  2. La CGAS se prononce pour le partage de l’emploi et des revenus, avec une baisse forte et rapide de la durée du travail, négociée selon les spécificités des diverses branches économiques. Ce partage ne peut pas entraîner de baisse des revenus autres que sur les plus hauts d’entre-eux.
  3. Pour atteindre pleinement l’effet souhaité, cet objectif devrait être atteint en l’an 2000.
  4. Le partage des gains de productivité devra être affecté prioritairement à la réduction de la durée du travail. Nous entendons ici d’une part les gains de productivité futurs et ceux de ces dernières années, importants, et qui ont été pour l’essentiel consacré a une rémunération exagérée du capital.
  5. L’Etat-employeur doit donner l’exemple.

IV Modalités

  1. La CGAS est favorable en premier lieu à la réduction hebdomadaire de la durée du travail.
  2. Le modèle choisi est celui de la semaine de 32 heures sur 4 jours, avec obligatoirement deux jours de congé consécutifs, dont le dimanche.
    Le concept voulu a pour objectif la suppression des heures supplémentaires. Un dispositif de contrôle efficace doit être mis en place dans tous les cas et en particulier lorsque est fixée une durée annuelle maximum de la durée du travail.
  3. Stratégie (dont les trois axes peuvent être simultanés, concertés ou indépendants) :
    1. élaboration d’une loi cadre au niveau national qui détermine notamment la durée maximum du travail, les délais ainsi que les moyens de financement ;
    2. convention cadre sur le plan cantonal qui donne par exemple les conditions d’allégements fiscaux, de financements cantonaux et d’utilisation sur le plan genevois des possibilités offertes par les dispositions de la LACI ou d’autres dispositifs fédéraux ;
    3. actions syndicales et/ou négociations conventionnelles dans les différentes branches.
  4. Les formes de réduction globale de la durée du travail telles que le passage progressif à la retraite, l’avancement de l’âge de cette dernière, l’accroissement du nombre de jours consacrés à la formation continue, la décharge, partielle ou totale, accordée aux parents de petits enfants par exemple, doivent être introduites.

V Maintien du revenu

  1. Tant pour des raisons liées à la justice sociale élémentaire que pour des raisons économiques (maintien du niveau de la demande intérieure), la CGAS se prononce pour que le partage du travail n’entraîne aucune baisse des revenus inférieurs à 8100.- francs par mois (montant maximum du gain mensuel assuré LAA et LACI). Au delà de 8100.- francs, la réduction, négociée, peut être moins que proportionnelle à la baisse du temps de travail.
    II convient là de faire la distinction entre le revenu et le salaire. Si, dans certains cas, il devait être nécessaire de réduire le salaire, le revenu quant à lui devra donc être maintenu en totalité pour toutes les salariées et tous les salariés dont le salaire est inférieur à 8’100.- francs par mois.
  2. La priorité doit en effet être mise au maintien du pouvoir d’achat des petits revenus. Le revenu complémentaire indispensable devra être fourni sous forme, par exemple, de "deuxième chèque".
  3. Les baisses de salaires ne pourront en outre intervenir que dans les entreprises qui auront fait, en toute transparence, la démonstration de leur nécessité (notamment pour ne pas pénaliser la capacité concurrentielle des entreprises)

VI Financements

  1. La CGAS n’est pas adepte de la croissance zéro ! Elle est au contraire favorable à la croissance, mais dans un concept de développement durable. Dans le même but, pour éviter la fracture sociale, elle exige que les gains de cette croissance soient alloués en priorité au partage du travail.
  2. Les gains de productivité : toute réduction de la durée du temps de travail a pour effet une meilleure productivité, même si cette progression n’est pas forcément proportionnelle à la baisse du temps de travail. Il s’agit donc d’une contribution à la baisse des coûts salariaux.
  3. Le retour au travail de milliers de chômeurs, le maintien du pouvoir d’achat, de même que le retour à un pouvoir d’achat normal des personnes dépourvues d’emploi ou exclues, doivent être considérées comme un investissement qui à terme doit avoir un effet de relance important (l’attribution d’un emploi à 15’000 personnes coûte environ 900 millions de francs par an, distribués pour l’essentiel sous forme de salaires, utilisables pour la consommation).
  4. Le partage du travail doit permettre un certain nombre de gains et d’économies diverses. Parmi ces dernières, on peut citer :
    1. la diminution des coûts du chômage (cotisations, nombre d’indemnisés, mesures cantonales et d’assistance) ;
    2. les frais de déplacement (par l’introduction de la semaine de 4 jours) ;
    3. les frais de santé.
  5. Partage des hauts salaires : comme indiqué plus haut, la CGAS n’est pas opposée à une réduction négociée des salaires supérieurs à 8100.- francs en cas de baisse de la durée du travail. Cette réduction ne sera pas forcément proportionnelle à la baisse de la durée du travail et ne touchera que la part des salaires dépassant 8100.- francs.
  6. Pour financer le 2e chèque :
    1. imposition accrue des grandes fortunes ;
    2. imposition des gains en capitaux ;
    3. contribution sociale généralisée ;
    4. taxe sur la valeur ajoutée brute (l’un des objectifs d’une telle taxe, comme d’une manière générale tous les modes de financements imaginés, vise à éviter de pénaliser financièrement le facteur travail).

En outre, la CGAS admet, selon les branches, l’augmentation négociée de la durée d’utilisation des équipements (y compris des heures d’ouverture dans les services). Cette dernière devra cependant se situer dans des limites socialement acceptables. Nous n’acceptons pas de durée d’utilisation de 24 heures sur 24, ni de 7 jours sur 7.

VII Aménagement du temps de travail

  1. Si le but à atteindre, le modèle à réaliser est la semaine de 32 heures sur 4 jours, avec au minimum deux jours de congé consécutifs, une telle réduction de la durée du travail permet, tant dans des stades intermédiaires qu’au stade final, l’introduction de multiples formules à adapter selon les spécificités des diverses branches.
  2. Les intérêts de l’économie doivent cependant rester subordonnés à l’intérêt général et à l’octroi aux salariées et aux salariés de conditions de travail et de vie correctes.
  3. La CGAS accepte une flexibilité accrue qui doit rester limitée, avec un droit de codécision des salariées, des salariés et de leurs syndicats, sur les durées de travail hebdomadaire minimum et maximum, le moment où des congés de compensation doivent être pris ; avec l’exigence d’horaires de travail décidés par accord suffisamment tôt et, surtout, avec la mise sur pied de moyens de contrôles stricts, qui permettent de s’assurer que les décisions légales ou conventionnelles soient respectées.
  4. La retraite anticipée, dès 55 (?) ans, totale, partielle ou progressive doit être encouragée, selon une politique concertée au niveau des branches.
  5. Les congés sabbatiques, parentaux, associatifs, sont également à encourager.
  6. Nous ne voulons pas promouvoir le travail à temps partiel. S’il est librement consenti, il peut cependant être adopté pour un nombre de personnes plus important. Ces dernières doivent cependant bénéficier des mêmes droits que celles qui travaillent à temps complet. Ceci concerne en particulier la sécurité de l’emploi, la prévoyance professionnelle, la couverture sociale et la promotion professionnelle. La CGAS exige notamment, à cet effet, la ratification de la Convention 175 de l’OIT sur le temps partiel ainsi que l’adaptation nécessaire de la législation suisse.
  7. Une forte réduction de la durée du travail permet aussi, pour les salariées et les salariés, une souplesse accrue dans le choix des moments consacrés au travail. Cette ouverture, positive, ne doit en aucun cas conduire au contrat sur appel. La CGAS demande l’interdiction de cette forme de relation de travail, qu’elle juge illégale.

VIII Formation

  1. La formation est un élément essentiel, en premier lieu au développement de la personne mais également à une économie concurrentielle.
  2. L’accès à la formation doit être favorisé, tant au niveau de la formation de base que de la formation continue.
  3. Une forte réduction de la durée du travail libère du temps qui peut être partiellement consacré à la formation.
  4. Par exemple, la semaine de 4 jours amène l’introduction de 3 jours de congé ! Le 3e jour pourrait être consacré au perfectionnement ou à la formation, qu’elle soit professionnelle ou générale. Sous certaines conditions, négociées, une partie de cette formation peut être rendue obligatoire, à raison de deux heures au maximum sur le 3e jour. Une société qui garantit des droits reconnaît également qu’il existe des devoirs citoyens. La formation en est un.

IX Pour la qualité de la vie

  1. Conçus en période de crise, les modèles de partage du travail sont à tort considérés comme des solutions défensives. S’ils permettent à la solidarité élémentaire, à laquelle devrait être attachée notre société, de s’exprimer en faveur des chômeurs et des exclus, ils sont aussi en mesure d’améliorer la qualité de la vie de toutes et de tous.
  2. La réduction de la durée du travail professionnel permet une meilleure disponibilité pour le travail familial et domestique, avec en particulier une présence accrue des parents auprès de leurs enfants. La qualité des relations familiales en général ne pourra que s’améliorer et l’éducation plus soignée des enfants favorisera leur développement.
  3. La vie sociale et associative sera plus enrichissante et davantage de personnes pourront y consacrer plus de temps.
  4. L’amélioration de la qualité de la vie permettra aussi la réduction d’un certain nombre de charges financières. En outre, elle permet de diminuer certains inconvénients induits par la maladie, le stress et l’éclatement du noyau familial.

X Suivi

  1. Que la réduction massive de la durée du travail et le partage des revenus soient introduits rapidement, comme nous le souhaitons, ou ne le soit que de manière partielle, un suivi de la situation économique et sociale dans le canton doit être mis sur pied et doté de moyens suffisants. La CGAS propose la création de deux observatoires :
    1. un observatoire de l’emploi, avec annonce des places vacantes, état précis du nombre d’emplois et suivi du devenir des chômeurs ;
    2. un observatoire de la formation, avec en particulier une analyse constante des besoins.
  2. La participation de tous est une condition absolue

La CGAS est favorable au principe de l’implication des salariées et des salariés à la gestion des entreprises dans lesquelles ils travaillent. En particulier, dans le cas des décisions à prendre pour partager le travail et les revenus, la participation de tous aux décisions est une condition indispensable. L’implication des salariés suppose cependant qu’ils disposent de la stabilité de l’emploi, qu’ils bénéficient d’un accès facile à la formation et qu’ils puissent faire appel à des experts extérieurs (notamment aux syndicats). L’accès en toute transparence à la comptabilité de l’entreprise est évidemment nécessaire.



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