Communauté genevoise d’action syndicale

Organisation faitière regroupant l’ensemble des syndicats de la République et canton de Genève

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Demande de libération de Rubén Herrera

et d’arrêt immédiat de la répression et de la criminalisation des défenseurs des droits des communautés indigènes et de l’environnement

lundi 27 mai 2013 par Chantal WOODTLI

Rubén Herrera, arrêté et maintenu en détention depuis le 15 mai 2013, est membre fondateur de l’Assemblée Départementale de Huehuetenango (ADH) et du Conseil des Peuples de l’Occident (CPO). Ces organisations plaident pour la reconnaissance et le respect des droits individuels et collectifs des peuples autochtones au Guatemala.

A partir de 2008, il a accompagné la lutte de la population de Barillas et du peuple Q’anjob’al contre le projet de barrage sur la rivière Cambalam mené par la société espagnole Ecoener-Hidralia Energía, par l’intermédiaire de sa filiale guatémaltèque Hidro Santa Cruz. Cette opposition est née du non-respect par l’entreprise espagnole et le gouvernement guatémaltèque des décisions prises lors des consultations communautaires de Barillas, ce qui est contraire à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, la convention 169 de l’Organisation Internationale du Travail, la charte démocratique interaméricaine et aux Accords sur l’identité et les droits des peuples indigènes.

Son arrestation est survenue dans le cadre de son opposition à ce barrage.

Plus précisément, son lien avec deux affaires a été invoqué pour justifier sa capture.

  • L’affaire 176/2011, dans laquelle Rubén Herrera est accusé de détention illégale, menaces, incitation au crime et kidnapping, même si il est prouvé que Rubén Herrera avait pris une position de médiation afin d’éviter un conflit majeur entre la communauté et les travailleurs de Hidro Santa Cruz, qui effectuait des mesures et d’autres travaux sans autorisation de la communauté.
  • L’affaire 65/2012, dans laquelle les dirigeants de la communauté de Barillas sont accusés d’avoir brulé des machines appartenant à l’entreprise Hidro Santa Cruz, le 9 mars 2012. Dans ce cas, Rubén Herrera a été accusé de menaces, d’effraction, d’enlèvement, de terrorisme, de détention illégale, d’intimidation, d’incendie volontaire, d’activité contre la sécurité intérieure de la nation, d’attentat contre la sécurité des services publics, d’incitation à la délinquance, bien qu’il y ait des preuves et des témoins qui situent Rubén Herrera hors de Barillas lors des faits.

Lors de l’audience, la défense de Rubén Herrera et le ministère public ont démontré que la participation de Rubén Herrera à ces faits n’est appuyée par aucune preuve. Les avocats de l’entreprise Ecoener-Hidralia Energía ont alors demandé au juge Luis Fernando Pérez Zamora d’ajouter les chefs d’accusation de séquestration et plagiat : malgré les objections et protestations, le juge a accepté immédiatement, ce qui a condamné Rubén Herrera à la prison ferme jusqu’à sa prochaine audition, le 30 mai 2013.

Rubén Herrera est un défenseur des droits des communautés indigènes et de l’environnement, promouvant le dialogue et la négociation entre les autorités communautaires et nationales, afin que se résolvent les profonds conflits dans la province de Huehuetenango. Il n’est pas un criminel. Bien que son entourage ait accueilli avec soulagement le transfert récent de son dossier au tribunal B de Haut Risque de la capitale, nous restons très inquiets de le savoir en prison depuis plus de deux mois, entouré de personnes condamnées pour des crimes graves, et menacé d’être condamné pour des charges dont la lourdeur souligne l’absurdité.

Malheureusement, le cas de Rubén Herrera n’est pas isolé. L’actualité a montré que ceux qui font usage de leur liberté de protester sont soumis à de graves répressions : la séquestration, la torture et le meurtre de Daniel Pedro Mateo, leader de la communauté Q’anjob’al, la séquestration et l’assassinat d’Exaltación Marcos Ucelo, leader du parlement Xinka, la séquestration de Roberto González, président du parlement Xinka, de Roberto López et de Rigoberto Aguilar, représentant élu de la municipalité de Santa María Xalapán, l’arrestation de plusieurs leaders communautaires de Barillas, l’état de siège décrété en mai par le gouvernement guatémaltèque dans les communautés où la population s’oppose à la mine San Rafael à Santa Rosas, etc.

Le rapport de 2012 du bureau guatémaltèque du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme souligne que le ministère public guatémaltèque a enregistré 282 agressions contre des défenseurs des droits de l’homme et que celles-ci « affectent particulièrement le travail de défense des droits économiques, sociaux, culturels, environnementaux et des peuples indigènes, ce qui se voit reflété dans les cas de San Rafael las Flores (Santa Rosa), Santa Cruz Barillas (Huehuetenango) et Nebaj (Quiché), tous en lien avec l’exploitation de ressources naturelles et au manque de consultation et d’information des communautés affectées ». Ces faits soulignent la nécessité d’agir urgemment pour garantir la sécurité des organisations sociales et des individus qui défendent les droits de leurs communautés et leur environnement.

En tant qu’organisations issues de la société civile belge, nous sommes particulièrement sensibles à ces violations de la démocratie et des droits de l’homme. Nous estimons indispensable que soit garanti à chacun le droit de s’exprimer et de protester contre son gouvernement ou n’importe quelle entreprise privée, sans être intimidé, agressé physiquement ou traité en criminel, que ce soit par l’Etat guatémaltèque ou des forces de sécurité privées. Pour ces raisons, nous nous joignons à la communauté de Barillas qui a exprimé ses revendications dans le « Memorial » du 7 janvier 2013 et demandons :

  • la libération immédiate de Rubén Herrera et de tout prisonnier politique, et que soient abandonnées les charges qui pèsent contre eux ;
  • que soient garantis les droits des membres de la société civile, dont leur sécurité, leur liberté d’expression et leur droit à manifester ;
  • que le gouvernement guatémaltèque et les entreprises privées travaillant au Guatemala respectent les droits individuels et collectifs des communautés autochtones, notamment les décisions prises lors des consultations populaires, et que soit interrompue la construction du barrage sur la rivière Cambalam par Econoer-Hidralía Energía, conformément au droit international et national.

En plus de notre indignation face au non-respect de la démocratie et des droits des citoyens, ces demandes sont motivées par les liens institutionnels et interpersonnels qui lient Rubén Herrera à certaines organisations belges : lorsqu’il était membre de la CIDECA (Consejo de Investigaciones para el Desarrollo de Centro América), il a notamment collaboré avec Oxfam Solidarité et l’asbl Quinoa.

Les signataires :

Quinoa asbl, 26 rue d’Edimbourg, 1050 Ixelles, 02 893 08 70, info@quinoa.be

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