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Mettre fin aux bulles spéculatives

L’initiative « Monnaie pleine » entend empêcher à l’avenir les banques de créer de l’argent à partir de rien, notamment à travers les crédits. Un pari fou ?

samedi 31 janvier 2015 par Claude REYMOND

paru dans Le Courrier du 31-01-2015 par LAURA DROMPT

Mettre fin aux crises financières et favoriser l’économie réelle grâce à une initiative populaire : voilà le but affiché par l’association Modernisation Monétaire, qui regroupe plus de 300 membres et compte parmi eux plusieurs professeurs d’économie des universités de Fribourg, Saint-Gall ou encore de Halle (Allemagne). Un groupe qui s’affiche « sans couleur partisane » et « au-delà des clivages idéologiques ».

L’association souhaite que la Banque nationale suisse (BNS) détienne le monopole sur la création de toute forme de monnaie. Cette volonté s’inscrit dans un courant baptisé « 100% money », datant des années 1930 et qui avait les faveurs d’économistes tels Irving Fisher, qui a beaucoup travaillé sur les suites du krash de 1929, John M. Keynes ou encore Milton Friedman, titulaire du prix Nobel d’économie pour son travail sur l’histoire monétaire.

A l’heure actuelle, près de 90% de l’argent en circulation l’est sous forme de monnaie dite « scripturale », sur des comptes bancaires, par opposition aux billets et pièces de monnaie.

De l’argent créé de toutes pièces
Contrairement à l’argent liquide, qui ne peut être produit que par la banque centrale, de la monnaie scripturale est créée par les banques privées à chaque fois que ces dernières accordent un crédit. Car les sommes prêtées par les banques étant bien plus élevées que le montant de leurs fonds propres : chaque fois qu’elles prêtent un montant théorique de cent francs, elles n’ont qu’environ sept francs de fonds propres. La différence, créditée sur le compte de la personne qui a sollicité le prêt, a donc été créée de toutes pièces par la banque.

Avec « Monnaie pleine », les comptes de gestion seraient sortis des bilans des banques. Ceux-ci ne serviraient qu’aux dépôts d’argent – pour les comptes salaires, par exemple – et aux transactions du quotidien : la banque n’aurait pas le droit de prêter cet argent, ni de l’investir. Les dépôts se- raient garantis au moyen des avoirs détenus par les banques à la BNS. Même en cas de faillite de l’établissement, les titulaires des comptes pourraient récupérer l’entier de leurs avoirs.

En parallèle, existeraient des comptes spécifiquement dédiés aux investissements et crédits. À la différence d’aujourd’hui, les banques devraient d’abord recevoir des fonds pour ensuite octroyer des prêts. Chaque franc crédité correspondrait à un franc préalablement mis en banque, par des particuliers, des entreprises ou la BNS.

A l’heure actuelle, les banques créent trop de crédits – et donc trop d’argent – en temps de haute conjoncture, et inversement durant les crises, créant ainsi de gigantesques bulles spéculatives. Un mécanisme qui deviendrait impossible avec cette réforme monétaire, qui obligerait les banques à se calquer sur l’économie réelle.

Initiative « trop expérimentale »
Malgré ces effets positifs annoncés, l’initiative ne trouve pas les faveurs de la BNS. En novembre dernier, son président, Thomas Jordan, indiquait ne pas être « convaincu que l’acceptation de l’initiative puisse conduire à des améliorations sur le plan monétaire », cela « même si l’idée de monnaie pleine peut paraître intéressante d’un point de vue conceptuel ». Selon lui, il s’agirait d’une entreprise trop expérimentale, « pour laquelle manquent à la fois l’expérien- ce historique et des valeurs comparatives ».

Du côté de la Banque alternative suisse (BAS), pourtant plutôt favorable à une stricte régulation du secteur bancaire, l’enthousiasme n’est pas de mise non plus. « Le problème soulevé par l’initiative sur la création monétaire est bien réel, mais elle n’y répond pas correctement. Si toutes les banques se limitaient à des crédits s’inscrivant dans l’économie réelle, il n’y en aurait pas besoin », explique Nicole Bardet, membre du conseil d’administration de la BAS.

La solution serait plutôt à chercher dans davantage de transparence et dans le renforcement du financement interne des banques que dans une réforme globale, selon la BAS.

Enfin, le groupe de réflexion Avenir Suisse a publié une étude intitulée « Monnaie pleine : des espoirs vains »(1), dans laquelle il liste les défauts présumés de l’initiative. Selon le groupe, l’initiative risquerait de perturber les financements de l’économie, de créer une disette monétaire, voire de semer la panique sur les marchés de capitaux. Christian Gomez, ancien directeur à la Société Générale et soutien de l’association Modernisation monétaire, a répondu à cette étude, point par point. Selon lui, Avenir Suisse ne fait que défendre les intérêts d’un « capitalisme nauséabond fondé sur la spéculation la plus éhontée ».

Le débat est lancé, l’initiative « Monnaie pleine » qui a récolté environ 38 000 signatures à l’heure actuelle se donne jusqu’en septembre pour récolter celles qui lui manquent encore. I

PS:

1 par Jörg Baumberger et Rudolf Walser, in « avenir-points de vue » n°4, mars 2014.




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